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Page:Liskenne, Sauvan - Bibliothèque historique et militaire, Tome 1, 1835.djvu/895

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ARRIEN, LIV. VII.

seaux longs, et des abris pour les retirer.

Micale de Clazomène fut envoyé avec cinq cents talens pour lever des gens de mer dans la Syrie et la Phénieie. Le projet d’Alexandre était de jeter des colonies le long du golfe Persique et dans ses îles, qui lui paraissaient susceptibles de le disputer en richesses à la Phénicie. Mais tous ces préparatifs étaient dirigés contre les Arabes, sous prétexte que leurs tribus nombreuses étaient les seules qui ne lui eussent apporté ni présent ni hommage ; au fond, c’est qu’il était affamé de nouvelles conquêtes.

Comme on lui racontait que les Arabes n’adoraient que deux divinités, Uranus et Dionysus ; Uranus qui embrasse les astres et le soleil, auteur de tous les bienfaits de la nature envers l’homme, et Dionysus vainqueur des Indes. « Je puis être, dit-il, le troisième objet de leur culte, puisque mes exploits ne sont pas inférieurs à ceux de Dionysus. » Du reste il comptait, après la victoire, laisser aux Arabes leurs lois, comme à ceux de l’Inde. Il était d’ailleurs attiré par les richesses d’un pays où l’on recueille la casse dans les marais, la myrrhe et l’encens sur les arbres, le cinamomum sur des arbustes, et le nard dans les prairies où il croît spontanément.

Ses côtes maritimes n’ont pas moins d’étendue que celles des Indes ; elles offrent des ports et des rades faciles, des villes bien situées et opulentes ; plus loin sont des îles. Deux sont remarquables à l’embouchure de l’Euphrate ; la plus petite en est éloignée de cent vingt stades. Au centre, s’élève un temple d’Artémis entouré de bois touffus qui servent de retraite aux habitans, aux cerfs et aux biches consacrées qui paissent en liberté, et qu’on réserve pour les sacrifices. Selon Aristobule, Alexandre donna à cette île le nom d’Icare, qui appartient à une île de la mer Égée, où le fils de Dédale tomba lorsque le soleil, dont il eut l’imprudence de s’approcher, eut fondu la cire de ses ailes : insigne témérité qui lui avait fait négliger l’avis paternel de ne pas s’éloigner de la terre pour affecter un vol ambitieux. Il faut un jour et une nuit de navigation favorable pour parvenir de l’embouchure de l’Euphrate à l’autre île. On l’appelle Tylus : elle est considérable, moins boisée, moins aride ; elle est plus propre à la culture.

Tel fut le rapport d’Archaïs qui, envoyé avec un triacontère pour reconnaître la côte, ne passa point Tylus. Androstène, succédant à ses recherches sur un autre bâtiment, tourna une partie de la côte ; mais celui qui s’avança le plus loin, fut le pilote Hiéron de Soles, également envoyé pour reconnaître toute la Péninsule. Il devait revenir par la mer Rouge jusqu’à Héroopolis ; il n’osa cependant aller jusque là, quoiqu’il eût reconnu la plus grande partie des côtes de l’Arabie. De retour, il annonce au prince que leur étendue est immense, presque égale à celle de l’Inde, et que la pointe de cette Péninsule s’avance au loin dans la mer : ce que Néarque avait déjà découvert avant d’entrer dans le golfe Persique ; il avait même été sur le point d’y aborder, selon l’avis d’Onésicrite ; mais il crut devoir se hâter de revenir rendre compte à Alexandre de sa navigation, dont l’objet n’avait pas été de naviguer dans la grande mer, mais de reconnaître la côte et les habitans, les ports, les eaux, les productions et la nature du sol, les mœurs et les institutions des peuples. Cette prudence sauva la flotte qui n’aurait pu s’approvisionner dans les déserts de l’Arabie : la même considération arrêta Hiéron.

Chap. 6. Tandis que l’on prépare les trirèmes, que l’on creuse le port de