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Page:Liskenne, Sauvan - Bibliothèque historique et militaire, Tome 2, 1836.djvu/1009

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POLYBE, LIV. XXXIV.

la Bretagne, de Gadès et de l’Ibérie ? Autant et mieux vaudrait s’en rapporter à Évhémère de Messine : au moins celui-ci ne prétend-il avoir été par mer que dans une seule contrée inconnue, dans la Panchaïe ; l’autre se donne pour avoir visité toute l’Europe septentrionale jusqu’aux bornes du monde. Hermès lui-même se vantât-il d’en avoir fait autant, on ne le croirait pas. Toutefois, Ératosthène, qui traite Évhémère de bergéen[1], veut croire aux récits de Pythéas, et cela quand Dicéarque lui-même n’y croit pas. »

L’idée d’ajouter foi à Pythéas, quand Dicéarque lui-même n’y croit pas, est bizarre. On dirait qu’Ératosthène eût dû se régler sur celui que si souvent Polybe est le premier à critiquer. Au reste, nous avons déjà dit qu’Ératosthène parlait peu pertinemment des parties occidentale et septentrionale de l’Europe. On doit le lui pardonner ainsi qu’à Dicéarque : ni l’un ni l’autre ne connaissaient les régions par eux-mêmes. Mais quelle excuse reste-t-il à Posidonius ainsi qu’à Polybe, et surtout à ce dernier, qui traite de ouï-dire populaires ce qu’Ératosthène et Dicéarque rapportent concernant les distances respectives des lieux dans certaines contrées, tandis que lui-même, non-seulement sur bien d’autres points, mais encore sur ceux à l’égard desquels il reprend l’un et l’autre, n’est pas exempt d’erreur ?

Dicéarque compte 10 000 stades du Péloponnèse aux Colonnes d’Hercule, et plus de 10 000 stades du Péloponnèse au fond du golfe Adriatique. Des 10 000 stades qui, selon lui, doivent se trouver entre le Péloponnèse et les Colonnes d’Hercule, il en assigne 3 000 à la partie qui s’étend depuis le Péloponnèse jusqu’au détroit de Sicile ; restent 7 000 pour le trajet depuis ce détroit jusqu’aux Colonnes.

« Je n’examine point, dit Polybe, si la distance du Péloponnèse au détroit de Sicile est effectivement de 3 000 stades ; mais quant aux 7 000 autres stades, ils ne sauraient former la mesure exacte du trajet depuis le détroit de Sicile jusqu’aux Colonnes, soit en longeant la côte, soit en traversant la mer, et je le prouve. La côte forme une espèce d’angle obtus dont les côtés aboutissent, l’un au détroit de Sicile, l’autre aux Colonnes, et dont le sommet est à Narbonne. Nous pouvons donc supposer un triangle ayant pour base une ligne droite tirée au travers de la mer, et pour côtés ceux qui forment l’angle dont il vient d’être parlé. Celui de ces côtés qui tend du détroit de Sicile à Narbonne a plus de 11 200 stades, l’autre n’en a guère moins de 8 000. On convient d’ailleurs que le plus long trajet d’Europe en Libye, au travers de la mer Tyrrhénienne, n’a pas plus de 3 000 stades, et qu’au travers de la mer de Sardaigne il est encore moins long. Mais posons qu’au travers de la mer de Sardaigne ce trajet soit aussi de 10 000 stades ; puis, en sus de ces données, prenons comme mesure d’une perpendiculaire abaissée du sommet de l’angle obtus du triangle sur sa base, les 2 000 stades de profondeur que le golfe Galatique peut avoir à Narbonne, dès lors il suffira des notions géométriques d’un enfant pour reconnaître que la longueur totale de la côte, depuis le détroit de Sicile jusqu’aux Colonnes d’Hercule, ne surpasse que d’environ 500 stades la ligne droite tirée au travers de la mer. Ajoutez à cette ligne les 3 000 stades qui forment la distance du Péloponnèse au détroit de Sicile, vous aurez en total, pour la ligne droite du

  1. Aristophane de Bergée s’était fait connaître par ses mensonges.