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Page:Liskenne, Sauvan - Bibliothèque historique et militaire, Tome 2, 1836.djvu/127

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celles des Numides, de feuillages et de jonc. Scipion conçut le dessin de brûler ses adversaires dans leur camp.

D’abord il entra en négociation pour la paix, afin de les accoutumer à se tenir moins sur leurs gardes, et pour avoir le temps de faire examiner les endroits les plus accessibles par ses députés. Puis, rompant les conférences, et rapprochant ses postes, il choisit une belle nuit et dirigea ses coups sur les barraques des Numides.

Le feu se répandit avec une grande rapidité. Les Numides, en s’éveillant, attribuèrent d’abord au hasard l’effet de l’incendie ; quand ils connurent l’erreur, ils n’avaient plus de moyen de défense, ni aucune chance de salut. Beaucoup périrent par les flammes ; les autres tombèrent dans les escadrons romains.

Les soldats d’Asdrubal, éloignés environ d’un mille ne jugeaient pas mieux la cause de cet accident. Comme ils accouraient en désordre, ils furent renversés par les corps postés sur le passage, et poursuivis ensuite jusqu’à leur camp, où Scipion avait fait mettre le feu dans la même nuit et avec un égal succès. Ces deux armées se virent entièrement ruinées et dispersées, au grand étonnement des Carthaginois qui avaient placé là toute leur confiance.

Ce fut alors qu’ils prirent la résolution de rappeler Annibal d’Italie, où, quoique très pressé par les Romains, et sans aucun secours de sa république, il s’était toujours maintenu dans une position formidable.

Annibal ne céda qu’avec regret aux ordres du sénat. Jamais exilé, s’arrachant d’une patrie, ne montra plus de douleur que ce grand homme n’en fit paraître lorsqu’il fallut s’éloigner du théâtre, où tant de gloire l’avait couronné. Il obéit cependant, rassembla ses troupes, et débarqua vers Hadrumète. Sa réputation lui attira un grand nombre de volontaires, et ramena sous ses drapeaux les débris des armées défaites dans les combats précédens.

La grande confiance qu’Annibal sut inspirer à ses compatriotes, leur fit commettre une action très odieuse. Battus, pressés par Scipion, mais voulant gagner du temps, car ils se doutaient du prompt accroissement de l’armée d’Italie, les Carthaginois avaient fait aux Romains des propositions de paix très avantageuses. Ceux-ci leur accordèrent une trêve, et l’on s’envoya, de part et d’autre, des ambassadeurs.

Pendant la suspension d’armes, le préteur Lentulus fit partir de Sardaigne un convoi de cent vaisseaux chargés de vivres. Un autre convoi de deux cents vaisseaux, expédié de Sicile par Octavius, n’eut pas le même bonheur. Une tempête l’ayant frappé à la vue des côtes d’Afrique, il vint s’y briser.

La rapacité des Carthaginois ne put tenir à ce spectacle. Le sénat dépêcha cinquante galères pour s’emparer du convoi. Irrité d’une semblable perfidie, Scipion envoya trois de ses principaux officiers à Carthage, pour demander une satisfaction. Non-seulement elle fut refusée, mais les ambassadeurs, au retour, se virent attaqués par trois galères, et ne durent leur salut qu’au hasard.

Annibal s’avançait à marches forcées pour couvrir Carthage. À la nouvelle de son arrivée, Scipion, qui sentait l’impossibilité de continuer les siéges de Tunis et d’Utique, remonta le fleuve Bagradas jusqu’à Naragara, et vint au-devant de son adversaire. Les deux armées se rencontrèrent à cinq journées au sud-est de Carthage, entre Zama et Naragara.

Trois espions se rendirent au camp romain. Le proconsul les fit arrêter, et