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Bocchus prévoyant que Jugurtha ne se relèverait point de ses pertes multipliées, résolut de cesser la guerre. Il obtint de Marius une suspension d’armes, et envoya des ambassadeurs. Le sénat lui fit répondre : « que Rome n’oubliait ni les services ni les injures ; que s’il se repentait, on consentait à lui accorder le pardon de sa faute ; mais que la paix et l’alliance sollicitées, seraient le prix de sa conduite à venir, et des services qu’il pouvait rendre à la république. »

Sylla se chargea d’interpréter cette réponse, et fit comprendre à Bocchus que Rome entendait qu’il livrât le roi de Numidie. Bocchus feignit d’abord d’être choqué de cette proposition. Trahir son ami, son allié, son parent ! Violer le droit sacré d’asile ! Il ne pouvait, disait-il, se faire à cette idée, et deux jours après le malheureux Jugurtha était entre les mains du questeur. Marius en fit le plus bel ornement de son triomphe.

Ainsi finit la guerre de Numidie (ans 650 de Rome ; 104 avant notre ère) ; elle avait duré cinq ans. Rome ne pouvait rien tirer de cette guerre qui dut augmenter sa puissance ; elle prouva au contraire combien les mœurs y étaient dépravées, et fit voir à quelles prévarications honteuses l’avidité des richesses peut porter les magistrats.

Les Romains ayant soumis toutes les contrées méridionales de l’Europe, les frontières de leur empire formaient une barrière qui s’étendait de la Propontide à l’Océan des Gaules, et retenait les barbares du Nord, que l’amour du pillage ou un instinct secret entraînait vers le Midi.

Une quantité prodigieuse de hordes errantes se trouva rassemblée, sous les noms de Cimbres et de Teutons, sur les bords du Danube et de la Drave, non loin des sources de la Sarre et de l’Adige.

Leur nombre les engagea de passer les Alpes Noriques. Il y avait bien longtemps qu’aucune peuplade barbare n’avait eu cette audace ; et depuis Annibal, c’est-à-dire depuis cent quinze années, personne n’avait franchi ces monts avec quelque succès. Pendant cet espace de temps, les hordes nomades s’étaient multipliées et entassées derrière les montagnes.

À peine les Cimbres et les Teutons eurent traversé les Alpes Noriques, voisines de la mer Adriatique, qu’ils trouvèrent le consul C. Papirius Carbon, prêt à les arrêter. Peut-être fut-il battu d’abord, comme l’ont dit quelques historiens ; mais enfin il les contraignit à chercher une autre route.

Cette irruption causait une grande frayeur dans Rome. On disait que ces barbares étaient au nombre de trois cent mille, sans compter les enfans et les femmes ; et jamais on n’avait entendu parler, dans cette capitale du monde, des Cimbres et des Teutons.

Les uns faisaient sortir ces peuples des pays situés au-delà des Palus-Méotides ; d’autres, du fond de la Germanie, des contrées que nous appelons aujourd’hui la Saxe ; plusieurs portaient leur origine sur les bords de l’Océan septentrional, où les Danois habitent maintenant.

On débita des fables. On dit que l’Océan, débordé sur leurs terres, les avait obligés à se jeter vers le midi. Florus rapporte sérieusement cette cause de leur invasion, et Strabon la tourne en ridicule.

Festus dit que le nom de Cimbre veut dire Latro, « brigand ». Cette idée, beaucoup plus simple, est peut-être aussi plus juste. Les Arabes, les Tartares, les Gaulois, les anciens peuples