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Page:Liskenne, Sauvan - Bibliothèque historique et militaire, Tome 2, 1836.djvu/153

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de l’Italie et de la Grèce, n’étaient pas plus honteux de vivre de brigandage, que les habitans de Tunis et d’Alger ne rougissent d’exercer le métier de pirates ; ni les hordes des Arabes Bédoins, de piller des Caravanes. La dénomination de brigand ne devint injurieuse que chez les peuples agricoles ; pour les nomades, ce sera toujours un titre de gloire.

Nos modernes ont fait bien plus de recherches que les anciens, afin de savoir d’où venaient ces Barbares, et n’ont pas mieux réussi ; car d’écrire Kimris au lieu de Cimbres, ne résout certainement pas le problème. On peut croire qu’ils ne sortaient pas tous du même pays.

Depuis plus d’un siècle, la crainte des armes romaines forçait toutes les hordes du Nord, de l’Orient et de l’Occident à s’arrêter sur les frontières de l’Italie. Mais cette multitude les franchit, toutes les fois qu’elle se crut assez nombreuse pour renverser les obstacles qu’on lui opposait. C’est encore un de ces faits qui expliquent plusieurs phénomènes historiques, et que les écrivains n’ont pas remarqués, faute de comparer entre eux les siècles et les événemens.

Les hordes cimbriques et teutoniques ne pouvant forcer les légions romaines, marchèrent vers l’Occident, et se recrutèrent des Ambrons et des Tigurins, sauvages qui habitaient les montagnes des Alpes et du Dauphiné. Ces Barbares se jetèrent ensemble sur la Gaule Transalpine.

On dit qu’ils eurent alors cinq cent mille combattans. Les femmes et les enfans les suivaient. Ce nombre suppose deux millions de personnes, prenant toujours le quart de la population pour les hommes en âge de combattre. Chez les Barbares, où l’on commence plus tôt, où l’on cesse plus tard de porter les armes, le nombre des guerriers pourrait peut-être se supputer au tiers. Ainsi, ces hordes auraient composé une population de quinze cent mille individus.

Je ne veux pas démentir les anciens ; cependant j’ai toujours soupçonné les généraux de Rome d’avoir exagéré les forces de l’ennemi, en parlant au sénat et au peuple dont ils attendaient le triomphe.

Les écrivains nous disent au reste si peu de chose, nous parlent avec tant d’obscurité et de contradictions, qu’ils vont souvent jusqu’à confondre les noms, et employer indifféremment celui de Cimbres ou de Gaulois. Il résulte de là, que nous ne savons ni par quelle route les Barbares passèrent dans la Gaule Transalpine, ni comment ils pénétrèrent de ce pays dans l’Espagne. On peut conjecturer seulement qu’ils avaient quelque frayeur des Romains, puisque avant de les attaquer, ils demandent des terres au sénat. Ce corps, toujours ferme dans ses principes, refuse de les admettre en Italie.

Le sénat envoie le consul M. Junius Silanus les chercher dans la Gaule Transalpine ; son armée est mise en déroute. Les Cimbres ne tournent pourtant point encore leurs armes contre l’Italie. Un autre consul, Aurelius Scaurus, accourt dans ces mêmes contrées ; il y est battu.

Les Barbares passent les Pyrénées et vont en Espagne, d’où les Celtibères les forcent bientôt de sortir. Sur ces entre faites, le consul L. Cassius Longinus se portait chez les Helvétiens pour les empêcher de se joindre aux Cimbres et aux Teutons ; les légions ne peuvent résister au nombre, et le consul lui-même reste sur le champ de bataille.

Ces trois défaites n’empêchèrent pas le consul Q. Servilius Cœpion de pénétrer jusque sur les bords de la Garonne, d’y remporter un avantage sur les Tec-

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