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Page:Liskenne, Sauvan - Bibliothèque historique et militaire, Tome 2, 1836.djvu/190

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qu’une heure à vivre. — Et vous, répondit Dejotarus, vous ne vous y prenez pas trop matin pour aller subjuguer les Parthes. »

Crassus avait alors soixante ans, et Dejotarus voulait lui faire entendre que sa vie ne serait plus assez longue pour soumettre un peuple que l’on regardait comme invincible.

Les troupes laissées par le consul, afin de garder la Mésopotamie, ne purent rester dans le pays ; quelques soldats, après avoir couru les plus grands dangers, parvinrent à rejoindre l’armée romaine. Le récit qu’ils firent du nombre prodigieux des Parthes, de leurs armes, de leur manière de combattre, à laquelle il était impossible, disaient-ils, de résister, répandit dans tous les esprits une sorte d’inquiétude qui, si elle ne découragea pas entièrement les Romains restés près du consul, ralentit beaucoup leur ardeur ; car jusqu’alors ils avaient regardé les Parthes comme aussi faciles à vaincre que les autres nations de l’Asie.

Ces craintes et les réflexions, qu’elles avaient fait naître cessèrent à l’arrivée d’un renfort de six mille chevaux, envoyé par Artabaze, roi d’Arménie, qui promettait encore quarante mille hommes aux Romains.

Le roi d’Arménie conseillait à Crassus d’entrer par ses états dans ceux des Parthes, lui représentant qu’outre l’avantage de trouver des vivres et des munitions, il traverserait un pays montagneux, coupé, et par conséquent très difficile pour la cavalerie, qui formait toute la force du peuple qu’il allait combattre. La Mésopotamie, au contraire, offrait un pays de plaines, entièrement ouvert.

Crassus négligea ce conseil si sage, qui ne pouvait partir que d’un prince éclairé, ami des Romains. Le consul loua beaucoup son zèle ; mais il n’en persista pas moins dans le dessein de passer par la Mésopotamie, sous prétexte qu’il y avait laissé des soldats d’élite qu’il ne pouvait se dispenser d’aller reprendre.

On avait commencé la campagne sur les frontières de la Syrie ; Crassus s’avançait, fort de cinquante mille hommes, c’est à dire avec une des plus belles armées que Rome eût mis sur pied, lorsque Abgare, roi d’Édesse, arriva dans son camp. Il était vendu aux Parthes, et parvint cependant à capter la confiance du consul.

On attendait les renforts du roi d’Arménie ; mais Orodes empêcha cette réunion, et alla lui-même attaquer les états d’Artabaze, laissant dans la Mésopotamie un jeune guerrier qu’il investit de la dignité de Surena, c’est à dire général en chef des troupes destinées à combattre les Romains.

Les ambassadeurs d’Artabaze arrivèrent en effet près du consul, et remirent des lettres par lesquelles ce prince lui mandait qu’Orodes ravageait l’Arménie avec une armée formidable, que pour cette raison tous ses soldats lui devenaient nécessaires, et il conseillait au général romain de se replier sur ses états pour réunir leurs forces. Dans le cas où cette proposition ne lui conviendrait pas, Artabaze recommandait au consul de ne pas manquer de choisir, soit pour ses marches, soit pour ses camps, les terrains les plus difficiles à la cavalerie.

Crassus s’irrita également d’un conseil qui n’était que la répétition d’un premier avis, et de la proposition sensée que lui soumettait Artabaze. Il lui fit dire qu’il avait pour le moment des affaires plus importantes que celles de l’Arménie ; mais qu’à son retour il saurait bien le châtier de sa trahison.