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Page:Liskenne, Sauvan - Bibliothèque historique et militaire, Tome 2, 1836.djvu/194

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des honneurs du triomphe à Rome, et continua bientôt la guerre contre les Parthes, mais avec des résultats différens.

L’armée d’Antoine était composée de dix légions formant soixante mille hommes, de dix mille chevaux espagnols ou gaulois, et de trente mille auxiliaires fournis par diverses nations. Cet appareil, qui effraya toute l’Asie, aurait dû produire de grands succès si l’impatience d’Antoine pour revoir Cléopâtre ne lui eût fait ouvrir la campagne avant la saison favorable.

Vous savez qu’après divers avantages remportés sur les Parthes, qui n’osaient plus s’exposer contre les légions en bataille rangée, le général romain resserré dans ses opérations, et craignant de manquer de subsistances, se vit contraint de retourner sur ses pas, et fut heureux de rencontrer deux hommes dont les conseils lui devinrent très utiles ; car ils l’empêchèrent de se fier aux promesses des Parthes, qui voulaient aussi l’engager dans les plaines.

Antoine fit sa retraite sur trois colonnes (agmine quadrato), de manière à pouvoir se mettre promptement en bataille, quel que fût le point attaqué. Cette disposition est rendue dans Plutarque par le terme plesion, qui veut dire un carré plus long que large. Appien se sert mal à propos du mot plintion, ou carré à faces égales. Sans répéter ici ce que nous avons dit ailleurs sur cet ordre de marche, observons qu’il était le meilleur qu’un général pût prendre en pareil cas.

Antoine paraît être le premier qui forma la tortue de toute son infanterie en bataille. Son armée descendait un coteau, marchant très lentement de peur de se rompre, lorsqu’elle se vit dominée tout à coup par l’ennemi sur ce terrain en déclivité.

Comme les traits des Parthes portaient beaucoup plus loin que ceux des légionnaires, les Romains allaient être accablés sans pouvoir se défendre : les chefs prirent un parti sur-le-champ. On renferma les troupes légères dans les cohortes, et les intervalles furent resserrés. Alors les soldats du premier rang mirent un genou en terre, tenant leur bouclier droit devant eux, et les suivans croisèrent cette arme défensive sur leur tête ; ce qui présenta comme un toit, sous lequel on fut à couvert.

Les Parthes, ayant pris cette manœuvre pour une marque de lassitude, mettent pied à terre, et, armés de leurs longues lances, veulent fondre sur les légions. Les Romains se lèvent tout à coup avec de grands cris, joignent l’ennemi, le renversent ou le forcent à la fuite.

Cette retraite dura vingt-quatre jours (depuis Phraate jusqu’à l’Arménie), pendant lesquels on ne cessa de combattre. À l’exception de l’échec causé par l’imprudence de Flavius Gallus, qui, voulant faire une action d’éclat, s’avança trop avec une partie de la cavalerie et des troupes légères, se laissa envelopper, et périt comme le fils de Crassus ; à cela près, les Romains eurent toujours l’avantage. Ils ramenèrent les malades et les blessés ; ils purent même sauver une grande partie de leurs équipages. Mais on perdit vingt mille hommes d’infanterie et quatre mille chevaux. La moitié avait péri de lassitude et de maladie.

Antoine n’a jamais passé pour un général du premier ordre, cependant il possédait plusieurs qualités propres à lui concilier l’affection des troupes. Il joignait à une grande valeur la force de l’éloquence, et se montra surtout habile à profiter du don de la parole pour manier les esprits.

Dans un de ces momens où Antoine