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Page:Liskenne, Sauvan - Bibliothèque historique et militaire, Tome 2, 1836.djvu/230

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ses troupes en quartier d’hiver chez les Aulerces, chez les Lexoves et sur les rives méridionales de la Seine, dans le voisinage de l’Océan.

Cette troisième campagne était peu susceptible d’observations militaires, et Napoléon se contente d’examiner la conduite politique du proconsul.

« On ne peut, dit-il, que détester la conduite que tint César contre le sénat de Vannes. Ces peuples ne s’étaient point révoltés ; ils avaient fourni des otages, avaient promis de vivre tranquilles ; mais ils étaient en possession de toute leur liberté et de tous leurs droits. Ils avaient donné lieu à César de leur faire la guerre, sans doute ; mais non de violer le droit des gens à leur égard, et d’abuser de la victoire d’une manière aussi atroce. Cette conduite n’était pas juste ; elle était encore moins politique. Ces moyens ne remplissent jamais leur but ; ils exaspèrent et révoltent les nations. La punition de quelques chefs est tout ce que là justice et la politique permettent : c’est une règle importante de bien traiter les prisonniers. Les Anglais ont violé cette règle de politique et de morale, en mettant les prisonniers français sur des pontons, ce qui les a rendus odieux sur tout le continent.

« La Bretagne, cette province si grande et si difficile, se soumit sans faire des efforts proportionnés à sa puissance. Il en est de même de l’Aquitaine et de la Basse-Normandie. Cela tient à des causes qu’il n’est pas possible d’apprécier ou de déterminer exactement, quoiqu’il soit facile de voir que la principale était dans l’esprit d’isolement et de localité qui caractérisait les peuples des Gaules. À cette époque ils n’avaient aucun esprit national, ni même de province ; ils étaient dominés par un esprit de ville. C’est le même esprit qui depuis a forgé les fers de l’Italie. Rien n’est plus opposé à l’esprit national, aux idées générales de liberté, que l’esprit particulier de famille ou de bourgade. De ce morcellement il résultait aussi que les Gaulois n’avaient aucune armée de ligne entretenue, exercée, et dès-lors aucun art ni aucune science militaire. Aussi, si la gloire de César n’était fondée que sur la conquête des Gaules, elle serait problématique. Toute nation qui perdrait de vue l’importance d’une armée de ligne perpétuellement sur pied, et qui se confierait à des levées ou des armées nationales, éprouverait le sort des Gaules, mais sans même avoir la gloire d’opposer la même résistance, qui a été l’effet de la barbarie d’alors et du terrain, couvert de forêts, de marais, de fondrières, sans chemin ; ce qui le rendait difficile pour les conquêtes, et facile pour la défense. »

4.

Les Ménapes se voyaient à peine délivrés de la présence des troupes romaines, que les Usipètes et les Tenchthères passent le Rhin assez près de son embouchure, et viennent ravager leur pays. Ils étaient chassés de la Germanie par les mêmes Suèves, qui deux années auparavant avaient abandonné les bords du fleuve, après la défaite d’Arioviste.

Ces Suèves, s’il faut en croire César, formaient la nation la plus considérable et la plus belliqueuse de toute la Germanie. Voici les détails qu’il donne sur sa puissance :

Ils étaient divisés en cent cantons ; chacun fournissait mille hommes tous les ans pour faire des courses ; les autres restaient dans leur pays et cultivaient la terre. L’année suivante ceux qui avaient fait des incursions labouraient les champs, et ceux qui avaient labouré entraient en campagne.