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Page:Liskenne, Sauvan - Bibliothèque historique et militaire, Tome 2, 1836.djvu/290

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de suivre la route que l’ennemi voulait parcourir ; il fit un détour de près de quatre mille pas (un peu moins d’une lieue et demie), et déboucha aux environs du village de Belloc, dans la plaine qui avait à sa droite les hauteurs sur lesquelles l’ennemi se dirigeait.

Afranius et Petreius, qui jusqu’alors n’avaient combattu que la cavalerie, furent étrangement surpris de cette nouvelle apparition. Ils firent halte sur une hauteur aux environs du village de Sarroca, distant de deux lieues et demie de l’endroit d’où ils étaient partis le matin. Là, ils rangèrent leur armée en bataille, résolus d’y attendre l’ennemi.

César, dont les légions étaient extrêmement fatiguées, s’arrêta de son côté. Mais déjà les lieutenans de Pompée revenaient du premier moment de surprise, et continuaient leur marche, afin de traverser une petite plaine qui les séparait d’une autre montagne très-élevée et très-étendue, dont la rampe touche les bords de la Sègre.

L’occupation de cette montagne, sur laquelle on voit aujourd’hui le village de Carasumada, devenait pour eux d’une grande importance, et ils parvinrent à s’en rendre maîtres, malgré les efforts de César.

Celui-ci suivait, en côtoyant, la marche de l’ennemi ; et, lorsqu’il le vit prendre son camp sur la hauteur, il occupa lui-même la colline la plus proche, celle qu’Afranius venait de quitter du côté d’Alfes. Sa cavalerie se répandit dans la plaine, près du grand chemin qui mène à Octogesa, et autour des autres débouchés des montagnes.

Afranius, intéressé à passer l’Èbre au plus tôt, résolut de décamper dans la nuit même, espérant faire une bonne partie du chemin avant d’être découvert. C’était sans doute la meilleure résolution à prendre, et l’on commença vers minuit à faire défiler les troupes ; malheureusement César en fut informé par ses cavaliers.

Aussitôt il fit sonner le signal du départ avec toutes les trompettes, et ordonna de pousser le cri d’usage pour plier les tentes. Frontin prétend qu’il sut encore diriger à grand bruit des muletiers et des bêtes de charge du côté du camp ennemi. Ces démonstrations produisirent l’effet qu’il en attendait.

Une des causes qui déterminèrent les généraux de Pompée à ne pas poursuivre leur marche, fut le peu de connaissance qu’ils avaient du pays. César, qui se trouvait dans le même cas, n’en fut que plus satisfait de ce que l’ennemi se laissât prendre à sa ruse.

Le lendemain on tâcha des deux côtés de tirer des informations sur la situation des lieux et la nature du terrain placé entre les montagnes et le fleuve. Il semblait que la guerre n’avait d’autre objet que le passage de l’Èbre, et que la victoire reposait uniquement sur les moyens de l’exécuter et sur ceux de l’empêcher. Le vieux Petreius alla lui-même faire une reconnaissance ; César détacha dans ce même but un de ses bons officiers généraux, L. Decidius Saxa.

Leurs rapports furent exactement les mêmes. Ils dirent qu’après avoir passé les montagnes actuellement occupées, on trouvait un chemin commode, dans un terrain ouvert et uni, jusqu’à une distance de cinq mille pas (géométriques) ; mais que dès lors la route devenait fort embarrassée au travers des montagnes, qui continuent jusqu’au bord de l’Èbre. Ils ajoutèrent