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Page:Liskenne, Sauvan - Bibliothèque historique et militaire, Tome 2, 1836.djvu/291

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que celui qui le premier occuperait les défilés et les gorges de ces montagnes, arrêterait aisément son ennemi.

Ces détails nous présentent le terrain tel que nous le voyons encore aujourd’hui, depuis le pied de la montagne qui montre le village de Carasumada jusqu’à celui de la Grauja, où le chemin passe dans la plaine, le long de la Sègre. On reconnaît ensuite les hautes montagnes qui s’élèvent, et qui forment ici les défilés dont parlent Petreius et Saxa[1].

Informé de ces circonstances, Afranius délibéra sur l’heure du départ. Plusieurs de ses officiers étaient d’avis de se mettre de suite en route, afin de gagner les défilés avant que César fût informé de leur marche ; les autres, se fondant sur ce que ses troupes avaient jeté le cri du décampement, jugeaient qu’il ne leur était plus possible de s’éloigner en secret, la cavalerie ennemie battant la campagne et ne laissant aucun chemin libre. Ils regardaient d’ailleurs comme dangereux d’en venir aux mains pendant la nuit, surtout en guerre civile, où le soldat fait bien plus d’attention au danger qu’il court qu’à son devoir. Que si en marchant de jour on essuyait, disaient-ils, quelque perte, on était du moins certain d’arriver avec le gros de l’armée vers le poste où l’on aspirait. Le résultat de cette délibération si importante fut qu’on décamperait de jour.

Les généraux de Pompée se fièrent trop sur la bonté de leur poste. Ils s’étaient saisis de la montagne la plus élevée, dont la pente raide allait presque jusqu’au fleuve, et comme il ne restait ensuite qu’un petit espace pour le chemin d’Octogesa, ils garnirent ce défilé de troupes, et occupèrent avec la même attention tous les passages de leur droite, et surtout le front de leur position.

Il s’agissait seulement de parcourir l’espace de cinq mille pas (géométriques) pour faire le reste de la marche ; ils se flattèrent que les troupes destinées à garder les passages donneraient de l’occupation à l’ennemi avant d’être débusquées, et qu’ainsi ils auraient le temps de se saisir de ces montagnes, dont dépendait la sûreté de leur retraite, suivant ce que Petreius avait assuré. Mais la grande supériorité de génie de César devait facilement mettre en défaut des mesures assez bien prises pour embarrasser un général ordinaire.

Un mois environ s’était écoulé depuis que ce grand capitaine faisait la guerre à deux généraux habiles, et déjà il leur avait dérobé le passage d’une rivière, dans le temps où on le croyait sans ressource et réduit à l’extrémité. César venait d’étonner son ennemi plus récemment encore par l’apparition la plus inattendue de toute son infanterie ; il prépara dans ce moment une autre combinaison qui devait amener une victoire complète, et terminer la campagne.

Ce fut après de longues délibérations que les généraux de Pompée fixèrent le lendemain pour le jour du départ. César, ayant le même dessein, attendit à peine que le jour parût pour faire sortir son armée, qui campait à une petite distance.

Afranius et Petreius supposèrent d’abord que César se mettait en mouvement de si bonne heure afin d’être à portée de forcer les passages au premier signal de leur marche. Mais ils n’éprouvèrent pas une médiocre surprise quand ils virent tout à coup les

  1. Voyez l’Atlas.