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Page:Liskenne, Sauvan - Bibliothèque historique et militaire, Tome 2, 1836.djvu/37

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pieds de distance, car elles ne gardaient guère entre elles que le vide nécessaire pour la retraite des armés à la légère, et les généraux rangeaient ces divisions, tantôt sur deux lignes, souvent sur trois, augmentant ou diminuant la réserve selon les circonstances.

Marius ne combattit que sur deux lignes, chacune de cinq cohortes ; mais César rétablit la réserve en plaçant quatre cohortes en première ligne, quatre dans la seconde, et deux dans la troisième. Quelques généraux faisaient les deux dernières lignes d’égale force, et mettaient toujours quatre cohortes dans la première. Suivant l’ordre adopté par Marius, la légion de cinq mille hommes avait un front de dix-huit cent trente-cinq pieds ; elle en présentait quatorze cent soixante-quatre sur les deux autres dispositions.

Dans cette ordonnance par cohorte avec des intervalles de vingt pieds entre ces corps, on ne pouvait plus employer l’ancienne manœuvre pour recevoir la première ligne battue dans la seconde, ou faire avancer celle-ci afin de remplir les vides de la première. Les troupes fraîches se glissaient entre les files, partageant les six pieds que Polybe prescrit au soldat pour combattre. La légion formait alors un ordre de bataille plus ferme et plus imposant, tandis que la troisième ligne, qui serrait sur les deux premières, remplaçait successivement les soldats blessés ou trop fatigués.

La cohorte fut illustrée par Marius, Sylla, Pompée, César ; et c’est avec elle que ces grands capitaines achevant de subjuguer l’Afrique, l’Asie, l’Europe, poussèrent à son plus haut période la grandeur du nom Romain.

Du temps de Végèce, et sous le bas empire, la légion se trouvait encore divisée en dix cohortes ; mais, depuis Hadrien, la force de ces corps n’était plus la même, puisque chacun d’eux n’avait que cinq centuries. La cavalerie n’appartenait plus à la légion en général. La première cohorte portait le nom de milliaire ; elle était composée de cinq centuries de deux cent vingt hommes, et d’une turme de cent trente deux cavaliers cuirassés. Les autres cohortes avaient cinq centuries de cent onze hommes, et une turme de soixante-six chevaux.

Les armes changent avec le génie des peuples. À mesure que la milice romaine s’altère, on voit les flèches et les javelots se multiplier. Sous Valentinien II, le pilum n’est plus guère en usage ; mais les sagittaires et les frondeurs font la moitié de l’armée. Végèce, qui écrivait à cette époque, en compose sa troisième et sa quatrième ligne de bataille, qui ne ressemblent en rien à l’ancienne ordonnance romaine. La légion, dégénérée ainsi que le reste de l’État, ne se reconnaissait plus.

Au milieu de ce cahos, les réglemens sur la confection des armes de guerre étaient exécutés avec une rigueur extrême. Le tribun d’une fabrique ayant présenté à Valentinien 1er. une cuirasse très artistement polie, attendait une récompense. Valentinien ordonna de peser la cuirasse ; et, comme elle contenait moins de fer que les lois ne le prescrivaient, il fit mettre à mort le tribun. Ce prince fut sévère, sans doute, jusqu’à la cruauté ; toutefois, on doit convenir avec Polybe, que le choix judicieux des Romains, dans la qualité de leurs armes, et leur attention à n’en mettre que d’excellentes sur le corps et entre les mains de leurs soldats, ont beaucoup aidé leur courage.