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Page:Liskenne, Sauvan - Bibliothèque historique et militaire, Tome 2, 1836.djvu/385

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POLYBE, LIV. I.

cours où il était nécessaire ; de sorte que la plupart des vaisseaux restèrent en partie immobiles sur les bancs de sable, ou furent brisés contre la terre. Il ne s’en échappa que trente, qui, étant auprès du consul, prirent la fuite avec lui, en se dégageant le mieux qu’ils purent le long du rivage. Tout le reste, au nombre de quatre-vingt-treize, tomba avec les équipages en la puissance des Carthaginois, à l’exception de quelques soldats qui s’étaient sauvés du débris de leurs vaisseaux. Cette victoire fit chez les Carthaginois autant d’honneur à la prudence et à la valeur d’Adherbal, qu’elle couvrit de honte et d’ignominie le consul romain, dont la conduite, en cette occasion, était inexcusable ; car il ne tint pas à lui que sa patrie ne tombât dans de fort grands embarras. Aussi fut-il traduit devant des juges, et condamné à une grosse amende.




CHAPITRE XII.


Junius passe en Sicile. — Nouvelle disgrâce des Romains à Lilybée. — Ils évitent heureusement deux batailles. — Perte entière de leurs vaisseaux. — Junius entre dans Éryce. — Description de cette ville.


Cet échec, quelque considérable qu’il fût, ne ralentit pas chez les Romains la passion qu’ils avaient de tout soumettre à leur domination. On ne négligea rien de ce qui se pouvait faire pour cela, et l’on ne s’occupa que des mesures qu’il fallait prendre pour continuer la guerre. Des deux consuls qui avaient été créés cette année, on choisit Lucius Junius pour conduire à Lilybée des vivres et d’autres munitions pour l’armée qui assiégeait cette ville, et on lui donna soixante vaisseaux pour les escorter. Junius étant arrivé à Messine, et y ayant grossi sa flotte de tous les bâtimens qui lui étaient venus du camp et du reste de la Sicile, partit en diligence pour Syracuse. Sa flotte était de cent vingt vaisseaux longs, et d’environ huit cents de charge. Il donna la moitié de ceux-ci avec quelques-uns des autres aux questeurs, avec ordre de porter incessamment des provisions au camp, et resta à Syracuse pour y attendre les bâtimens qui n’avaient pu le suivre depuis Messine, et pour y recevoir les grains que les alliés du milieu des terres devaient lui fournir.

Vers ce même temps Adherbal, après avoir envoyé à Carthage tout ce qu’il avait gagné d’hommes et de vaisseaux par la dernière victoire, forma une escadre de cent vaisseaux, trente des siens, et soixante-dix que Carthalon, qui commandait avec lui, avait amenés, mit cet officier à leur tête, et lui donna ordre de cingler vers Lilybée, de fondre à l’improviste sur les vaisseaux ennemis qui y étaient à l’ancre, d’en enlever le plus qu’il pourrait, et de mettre le feu au reste. Carthalon se charge avec plaisir de cette commission ; il part au point du jour, brûle une partie de la flotte ennemie, et disperse l’autre. La terreur se répand dans le camp des Romains. Ils accourent avec de grands cris à leurs vaisseaux ; mais pendant qu’ils portent là du secours, Imilcon qui s’était aperçu le matin de ce qui se passait, tombe sur eux d’un autre côté avec ses soldats étrangers. On peut juger quelle fut la consternation de Romains lorsqu’ils se virent ainsi enveloppés.

Carthalon, ayant pris quelques vaisseaux et en ayant brisé quelques autres, s’éloigna un peu de Lilybée, et alla se poster sur la route d’Héraclée pour observer la nouvelle flotte des Romains, et l’empêcher d’aborder au camp. Informé ensuite, par ceux qu’il avait envoyés à la découverte, qu’une assez grande flotte