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Page:Liskenne, Sauvan - Bibliothèque historique et militaire, Tome 2, 1836.djvu/399

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POLYBE, LIV. I.

précipitation sur lui, il change la disposition de ses troupes, leur fait faire volte-face ; puis, après ce mouvement, ordonne aux deux premières lignes de marcher promptement en arrière, et à ceux qui, dans le commencement, formaient la troisième ligne, de se ranger au contraire sur le front de bataille, par un autre quart de conversion. Les Africains et les étrangers s’imaginent que c’est par crainte qu’ils reculent ; ils quittent leur rang, courent sur eux, et chargent vivement. Mais dès que la cavalerie eut achevé sa marche, qu’elle eut bordé de chaque côté la phalange des pesamment armés, alors les Africains qui combattaient épars et sans ordre, effrayés de ce mouvement extraordinaire, quittent prise d’abord et prennent la fuite. Ils tombent sur ceux qui les suivaient, ils y jettent la consternation et les entraînent ainsi à leur perte. On met à leur poursuite la cavalerie et les éléphans, qui en écrasent sous leurs pieds la plus grande partie. Il périt dans ce combat environ six mille hommes, tant Africains qu’étrangers, et on fit deux mille prisonniers. Le reste se sauva, partie dans la ville bâtie au bout du pont, partie au camp d’Utique. Amilcar, après cet heureux succès, poursuit les ennemis. Il prend d’emblée la ville où les ennemis s’étaient réfugiés, et qu’ils avaient bientôt abandonnée pour se retirer à Tunis. Battant ensuite le pays, il soumit les villes, les unes par composition, les autres par force. Ces progrès dissipèrent la crainte des Carthaginois, qui commencèrent pour lors à avoir un peu moins mauvaise opinion de leurs affaires.




CHAPITRE XVII.


Parti que prennent Mathos et Spendius. — Naravase quitte les révoltés pour se joindre à Amilcar. — Bataille gagnée par ce général et son indulgence envers les prisonniers. — Les Carthaginois perdent la Sardaigne. — Fraude et cruauté des chefs des rebelles. — Réflexions sur cet événement.


Pour Mathos, il continuait toujours le siége d’Hippone, conseillant à Autarite, chef des Gaulois, et à Spendius de serrer toujours les ennemis ; d’éviter les plaines à cause du nombre de leurs chevaux et de leurs éléphans, de côtoyer le pied des montagnes, et de les attaquer toutes les fois qu’ils les verraient dans quelque embarras. Dans cette vue, il envoya chez les Numides et chez les Africains, pour les engager à secourir ces deux chefs, et à ne pas manquer l’occasion de secouer le joug que les Carthaginois leur imposaient. Spendius, de son côté, à la tête de six mille hommes tirés des différentes nations qui étaient à Tunis, et de deux mille Gaulois commandés par Autarite, les seuls qui étaient restés à ce chef après la désertion de ceux qui s’étaient rangés sous les enseignes des Romains au camp d’Éryce, Spendius, dis-je, selon le conseil de Mathos, côtoyait toujours de près les Carthaginois en suivant le pied des montagnes. Un jour qu’Amilcar était campé dans une plaine environnée de montagnes, le secours qu’envoyaient les Numides et les Africains vint joindre l’armée de Spendius ; le général de Carthage se trouva fort embarrassé, ayant en tête les Africains, les Numides en queue, et en flanc l’armée de Spendius : car comment se tirer de ce mauvais pas ?

Il y avait alors dans l’armée de Spendius un certain Numide nommé Naravase, homme des plus illustres de sa nation, et plein d’ardeur militaire, qui