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Page:Liskenne, Sauvan - Bibliothèque historique et militaire, Tome 2, 1836.djvu/418

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POLYBE, LIV. II.

plus grande partie et du butin et de leur armée. Cela est assez ordinaire aux Gaulois lorsqu’ils ont fait quelque capture, surtout quand le vin et la débauche leur échauffent la tête.

Quatre ans après cette expédition, les Samnites et les Gaulois, ayant joint ensemble leurs forces, livrèrent bataille aux Romains dans le pays des Camertins, et en défirent un grand nombre. Les Romains, irrités par cet échec, revinrent peu de jours après avec toutes leurs troupes dans le pays des Sentinates. Dans cette bataille, les Gaulois perdirent la plus grande partie de leurs troupes, et le reste fut obligé de s’enfuir en déroute dans son pays. Ils revinrent encore dix ans après avec une grande armée pour assiéger Arretium. Les Romains accoururent pour secourir les assiégés, et livrèrent bataille devant la ville ; mais ils furent vaincus, et Lucius, qui les commandait, y perdit la vie. Manius Curius, son successeur, leur envoya demander les prisonniers ; mais, contre le droit des gens, ils mirent à mort ceux qui étaient venus de sa part. Les Romains, outrés, se mettent sur-le-champ en campagne ; les Sénonais se présentent ; la bataille se livre ; les Romains victorieux en tuent la plus grande partie, chassent le reste, et se rendent maîtres de tout le pays. C’est dans cet endroit de la Gaule qu’ils envoyèrent pour la première fois une colonie et qu’ils bâtirent une ville nommée Sène du nom des Sénonais, qui l’avaient les premiers habitée. Nous avons dit où elle est située, savoir, près de la mer Adriatique, à l’extrémité des plaines qu’arrose le Pô.

La défaite des Sénonais fit craindre aux Boïens qu’eux-mêmes et leur pays n’eussent le même sort. Ils levèrent une armée formidable et exhortèrent les Tyrrhéniens à se joindre à eux. Le rendez-vous était près du lac Vadémon, et ils s’y mirent en bataille. Presque tous les Tyrrhéniens y périrent et il n’y eut que quelques Boïens qui échappèrent par la fuite. Mais, l’année suivante, ils se liguèrent une seconde fois, et, ayant enrôlé toute la jeunesse, ils donnèrent bataille aux Romains. Il y furent entièrement défaits, et contraints, malgré toute leur fierté, à demander la paix aux Romains, et à faire un traité avec eux. Tout ceci se passa trois ans avant que Pyrrhus entrât dans l’Italie, et cinq ans avant la déroute des Gaulois à Delphes. De cette fureur de guerre, que la fortune semblait avoir soufflée aux Gaulois, les Romains tirèrent deux grands avantages. Le premier fut, qu’accoutumés à être battus par les Gaulois, ils ne pouvaient ni rien voir ni rien craindre de plus terrible que ce qui leur était arrivé ; et c’est pour cela que Pyrrhus les trouva si exercés et si aguerris. L’autre avantage fut que, les Gaulois réduits et domptés, ils furent en état de réunir toutes leurs forces, contre Pyrrhus d’abord, pour défendre l’Italie, et ensuite contre les Carthaginois, pour leur enlever la Sicile.

Pendant les quarante-cinq ans qui suivirent ces défaites, les Gaulois restèrent tranquilles, et vécurent en bonne intelligence avec les Romains. Mais après que le temps eut fait sortir de ce monde ceux qui avaient été témoins oculaires de leurs malheurs, les jeunes gens qui leur succédèrent, gens brutaux et féroces, et qui jamais n’avaient ni connu ni éprouvé le mal, commencèrent à remuer, comme il arrive ordinairement. Ils cherchèrent querelle aux Romains pour des bagatelles, et entraînèrent dans leur parti les Gaulois des Alpes. D’abord le peuple n’eut point de part à ces mouvemens séditieux ; tout se tramait secrètement entre les