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Page:Liskenne, Sauvan - Bibliothèque historique et militaire, Tome 2, 1836.djvu/450

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POLYBE, LIV. III.

au gouvernement. Par ce moyen notre siècle connaîtra si l’on doit se soustraire à la domination romaine ou s’y soumettre ; et les siècles à venir jugeront si elle était digne de louange ou de blâme. C’est de là que dépend presque tout le fruit que l’on pourra tirer de cette histoire, tant pour le présent que pour l’avenir. Car ne nous imaginons pas que les chefs d’armées n’ont, en faisant la guerre, d’autre but que de vaincre et de subjuguer, ni que l’on ne doit juger d’eux que par leurs victoires et par leurs conquêtes. Il n’y a personne qui fasse la guerre dans la seule vue de triompher de ses ennemis. On ne se met pas sur mer pour passer simplement d’un endroit à un autre ; les sciences et les autres arts ne s’apprennent pas uniquement pour en avoir la connaissance ; on cherche en tout ce que l’on fait, ou l’agréable, ou l’honnête, ou l’utile. Cet ouvrage ne sera donc parfait et accompli qu’autant qu’il apprendra quel fut, après la conquête du monde entier par les Romains, l’état de chaque peuple en particulier, jusqu’au temps où de nouveaux troubles se sont élevés, et qu’il s’est fait un nouveau changement dans les affaires. C’est sur ce changement que je me suis proposé d’écrire. L’importance des faits et les choses extraordinaires qui s’y sont passées, m’y ont engagé. Mais la plus forte raison, c’est que j’ai contribué à l’exécution de certaines choses, et que j’ai été le conducteur de beaucoup d’autres.

Ce fut dans ce soulèvement que les Romains allèrent porter la guerre chez les Celtibériens et les Vacéens ; que les Carthaginois la firent à Masinissa, roi dans l’Afrique ; qu’en Asie, Attalus et Prusias se la déclarèrent l’un à l’autre ; qu’Oropherne, aidé par Demetrius, chassa du trône Ariarathe, roi de Cappadoce, et que celui-ci y remonta par ses seules forces ; que Seleucus, fils de Demetrius, après avoir régné douze ans dans la Syrie, perdit le royaume et la vie par la conspiration des autres rois ; que les Romains permirent aux Grecs, accusés d’être les auteurs de la guerre de Persée, de retourner dans leur patrie, après qu’ils eurent reconnu leur innocence ; que, peu de temps après, ces mêmes Romains attaquèrent les Carthaginois, d’abord pour les obliger à changer de pays, mais ensuite dans le dessein de les détruire entièrement, pour des raisons que nous déduirons dans la suite ; qu’enfin, vers le même temps, les Macédoniens ayant renoncé à l’alliance des Romains, et les Lacédémoniens s’étant détachés de la république des Achéens, on vit le malheur commun de la Grèce commencer et finir tout ensemble.

Tel est le dessein que je me suis proposé. Fasse la fortune que ma vie soit assez longue pour l’exécuter et le conduire à sa perfection ! Je suis cependant persuadé que, quand même je viendrais à manquer, il ne serait pas abandonné, et que d’habiles gens, charmés de sa beauté, se feraient un devoir de le remplir. Maintenant que, pour donner aux lecteurs une connaissance générale et particulière de cette histoire, nous avons rapporté sommairement les principaux faits sur lesquels nous devons dans la suite nous étendre, il est temps de rappeler ce que nous avons promis, et de reprendre le commencement de notre sujet.