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Page:Liskenne, Sauvan - Bibliothèque historique et militaire, Tome 2, 1836.djvu/451

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POLYBE, LIV. III.


CHAPITRE II.


Quelles furent les vraies causes de la guerre d’Annibal. — Réfutation de l’historien Fabius sur ces causes.


Quelques historiens d’Annibal donnent deux raisons de la seconde guerre que les Romains déclarèrent aux Carthaginois. La première est, selon eux, le siége mis par ceux-ci devant Sagonte ; et l’autre, l’infraction du traité par lequel ils avaient solennellement promis de ne pas s’étendre au-delà de l’Èbre. Pour moi, j’accorderai bien que ce furent là les commencemens de la guerre, mais je ne puis convenir que c’en aient été les motifs. En effet, c’est comme si l’on disait que l’invasion d’Alexandre en Asie a été la cause de la guerre contre les Perses, et que la guerre des Romains contre Antiochus, est venue de la descente que ce roi fit à Démétriade. Ces deux causes, loin d’être les vraies, ne sont pas même probables ; car qui pourrait penser que l’invasion d’Alexandre ait été la cause de plusieurs choses que ce prince, et avant lui Philippe son père, avaient faites pour se disposer à la guerre contre les Perses ? On doit dire la même chose de ce que les Étoliens firent contre les Romains avant qu’Antiochus vînt à Démétriade. Pour raisonner de la sorte, il faut n’avoir jamais connu la différence qu’il y a entre commencement, cause et prétexte, et ne savoir pas que ces deux derniers sont ce qui, dans toutes choses, précède tout, et que le commencement n’est que le dernier des trois. J’appelle commencement les premières démarches que l’on fait, les premiers mouvemens que l’on se donne pour exécuter ce que l’on a jugé devoir faire ; mais les causes, c’est ce qui précède tout jugement et toute délibération. Ce sont les pensées qui se présentent, les dispositions que l’on prend, les raisonnemens qui se font en conséquence, et sur lesquels on se détermine à juger et à former un dessein. Ce que je vais dire éclaircira ma pensée.

Rien n’est plus facile à découvrir que les vrais motifs de la guerre contre les Perses. Le premier fut le retour des Grecs, qui, revenant, sous la conduite de Xénophon, des satrapies de l’Asie supérieure, et traversant toute l’Asie avec laquelle ils étaient en guerre, n’avaient néanmoins trouvé personne qui osât s’opposer à leur retraite. Le second fut le passage d’Agésilas, roi de Lacédémone, en Asie, où il ne rencontra rien qui mît obstacle à ses desseins, quoique d’ailleurs il fût obligé d’en sortir sans avoir rien fait, rappelé qu’il était dans la Grèce par les troubles dont elle était alors agitée ; car Philippe, considérant d’un côté la mollesse et la lâcheté des Perses, et de l’autre, les grandes ressources qu’il avait, lui et les siens, pour la guerre ; excité d’ailleurs par l’éclat et la grandeur des avantages qu’il tirerait de la conquête de cet empire ; après s’être concilié la faveur des Grecs, prit enfin son essor, conçut le dessein d’aller porter la guerre chez les Perses, et disposa tout pour cette expédition, sous prétexte de venger les Grecs des injures qu’ils en avaient reçues. Il est donc hors de doute que des deux choses que nous avons rapportées les premières ont été les causes de la guerre contre les Perses, que la dernière n’en a été que le prétexte, et qu’enfin le commencement a été l’irruption d’Alexandre dans l’Asie.

Il est clair encore qu’il n’y a point d’autre cause de la guerre des Romains contre Antiochus, que l’indignation des Étoliens. Ceux-ci, croyant que les Romains, enflés du succès