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Page:Liskenne, Sauvan - Bibliothèque historique et militaire, Tome 2, 1836.djvu/485

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POLYBE, LIV. III.

les neiges des Alpes, et ce qui en est échappé est dans un état à n’en pouvoir attendre aucun service. La plupart des chevaux ont succombé à la longueur et aux fatigues de la marche, et le peu qui en reste ne peut être d’aucun usage. Pour vaincre de tels ennemis vous n’aurez qu’à vous montrer. Et pensez-vous que j’eusse quitté ma flotte, que j’eusse abandonné les affaires d’Espagne où j’avais été envoyé, et que je fusse accouru à vous avec tant de diligence et d’ardeur, si de bonnes raisons ne m’eussent persuadé que le salut de la république dépendait du combat que nous allons livrer, et que la victoire était sûre ? » Ce discours, soutenu par l’autorité de celui qui le prononçait, et qui d’ailleurs ne contenait rien que de vrai, fit naître dans tous les soldats un ardent désir de combattre. Le consul ayant témoigné combien cette ardeur lui faisait de plaisir, congédia l’assemblée, et avertit qu’on se tînt prêt à marcher au premier ordre.

Le lendemain les deux armées s’avancèrent l’une contre l’autre le long du Tésin, du côté qui regarde les Alpes, les Romains ayant le fleuve à leur gauche, et les Carthaginois à leur droite. Le second jour, les fourrageurs de part et d’autre ayant donné avis que l’ennemi était proche, chacun campa dans l’endroit où il était. Le troisième, Publius avec sa cavalerie, soutenue des troupes armées à la légère, et Annibal avec sa cavalerie seule, marchèrent chacun de son côté dans la plaine pour reconnaître les forces l’un de l’autre. Quand on vit, à la poussière qui s’élevait, que l’on n’était pas loin, on se mit en bataille. Publius met en avant les vélites avec la cavalerie gauloise, range le reste sur le front, et avance au petit pas. Annibal vint au devant de lui, ayant au centre l’élite des cavaliers à chevaux bridés, et la cavalerie numide sur les deux ailes, pour envelopper l’ennemi. Les chefs et la cavalerie ne demandant qu’à combattre, on commence à charger. Au premier choc les troupes armées à la légère eurent à peine lancé leurs premiers traits, qu’épouvantées par la cavalerie carthaginoise qui venait sur eux, et craignant d’être foulées aux pieds des chevaux, elles se retirèrent entre les intervalles des turmes, pour se reformer sous leur protection. Les deux corps de bataille s’avancent ensuite, et en viennent aux mains. Le combat se soutient long-temps à forces égales. De part et d’autre beaucoup de cavaliers mirent pied à terre, de sorte que l’action fut d’infanterie comme de cavalerie. Pendant ce temps-là les Numides, tournant les ailes, tombent sur l’infanterie légère qui était derrière les escadrons, la culbutent, prennent à dos la cavalerie elle-même, et la mettent en fuite. Les Romains perdirent beaucoup de monde dans ce combat ; la perte fut encore plus grande du côté des Carthaginois. Une partie des premiers s’enfuit en déroute ; le reste se rallia auprès du consul.

Publius décampe aussitôt, traverse les plaines et se hâte d’arriver au pont du Pô, et de le faire passer à son armée, ne se croyant pas en sûreté, blessé dangereusement comme il l’était, dans un pays plat et dans le voisinage d’un ennemi qui lui était de beaucoup supérieur en cavalerie. Annibal, attendit quelque temps que Publius fît avancer son infanterie ; mais voyant qu’il sortait de ses retranchemens, il le suivit jusqu’au pont du Pô. Il ne put aller plus loin ; le consul, après avoir passé le pont, en avait fait enlever la plupart des planches. Il fit prisonniers environ six cents hommes, que les Romains