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Page:Liskenne, Sauvan - Bibliothèque historique et militaire, Tome 2, 1836.djvu/518

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POLYBE, LIV. IV.

de Lacédémone, fut chassé de son royaume. Enfin après un récit succinct de ce qui s’était passé jusqu’à la mort d’Antigonus, de Seleucus et de Ptolomée, qui moururent tous trois presque en même temps, je promis de commencer mon histoire par ce qui était arrivé après la mort de ces rois.

Cette époque m’a paru la plus belle et la plus intéressante que je pusse prendre ; car premièrement c’est là que se termine l’ouvrage d’Aratus, et ce que nous dirons des affaires de la Grèce n’en sera qu’une continuation. D’ailleurs les temps suivans touchent de si près aux nôtres, que nous en avons vu nous‑même une partie, et nos pères l’autre. Ainsi ou j’aurai vu de mes propres yeux les faits dont j’écrirai l’histoire, ou je les aurai appris de témoins oculaires ; car je n’aurais pas voulu remonter aux temps plus reculés, dont on ne peut rapporter que ce que l’on a entendu dire à des gens qui l’ont ouï dire à d’autres, et dont on ne peut rien savoir ni rien assurer qu’avec incertitude. Mais ce qui m’a surtout déterminé à choisir cette époque, c’est que la fortune semble avoir pris plaisir à changer alors par tout le monde la face de toutes choses.

Ce fut dans ce temps‑là que Philippe, fils de Demetrius, quoique encore enfant, fut élevé sur le trône de Macédoine ; qu’Achéus eut le rang et la puissance royale dans le pays d’en-deçà du mont Taurus ; qu’Antiochus, surnommé le Grand, succéda dans la plus tendre enfance à Seleucus son frère roi de Syrie, mort peu d’années auparavant ; qu’Ariarathe régna en Cappadoce ; que Ptolomée Philopator se rendit maître de l’Égypte ; que Lycurgue fut fait roi de Lacédémone ; et qu’enfin les Carthaginois avaient depuis peu donné à Annibal le commandement de leurs armées.

Tous les états alors ayant donc ainsi changé de maîtres, on devait voir naître de nouveaux événemens. Cela est naturel, et cela ne manqua pas aussi d’arriver. Les Romains et les Carthaginois soutinrent les uns contre les autres la guerre dont nous avons fait l’histoire ; en même temps, Antiochus et Ptolémée se disputèrent la Cœlo-Syrie, les Achéens et Philippe firent la guerre aux Étoliens et aux Lacédémoniens pour le sujet que je vais dire.

Il y avait déjà long-temps que les Étoliens étaient las de vivre en paix et sur leurs propres biens, eux qui étaient accoutumés à vivre aux dépens de leurs voisins, et qui ont besoin de beaucoup de choses, que leur vanité naturelle, à laquelle ils s’abandonnent, leur fait rechercher avec avidité : ce sont des bêtes féroces plutôt que des hommes ; sans distinction pour personne, rien n’est exempt de leurs hostilités. Cependant tant qu’Antigonus vécut, la crainte qu’ils avaient des Macédoniens les retint. Mais dès qu’il fut mort, et qu’il n’eut laissé pour successeur que Philippe, qui n’était encore qu’un enfant, ils levèrent le masque, et ne cherchèrent plus que quelque prétexte spécieux pour se jeter sur le Péloponnèse. Outre que depuis long-temps ils étaient habitués à piller cette province, ils ne croyaient pas qu’il y eût de peuple qui pût, avec plus d’avantage qu’eux, faire la guerre aux Achéens.

Pendant qu’ils pensaient à exécuter ce projet, le hasard leur en fournit cette occasion. Certain Dorimaque, natif de Trichon, fils de ce Nicostrate qui trahit si indignement toute une assemblée générale des Béotiens, jeune homme vif et avide du bien d’autrui, selon le caractère de sa nation, fut en-