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Page:Liskenne, Sauvan - Bibliothèque historique et militaire, Tome 2, 1836.djvu/556

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POLYBE, LIV. IV.

partie en se précipitant du haut des rochers. Il y en eut tout au plus cent qui se sauvèrent. Philippe envoya les dépouilles et les prisonniers à Corinthe, et continua sa route. Cet événement surprit agréablement les peuples du Péloponnèse ; c’était une chose assez singulière qu’ils apprissent en même temps et que Philippe arrivait et qu’il était victorieux.

Il passa par l’Arcadie, où il eut beaucoup de peine à monter l’Oligyrte au travers des neiges dont il était couvert. Il arriva cependant la nuit du troisième jour à Caphyes, où il fit reposer son armée pendant deux jours. Il se fit joindre là par le jeune Aratus et les Achéens qu’il avait assemblés, de sorte que son armée était environ de dix mille hommes. Il prit par Clitorie la route de Psophis ; de toutes les villes où il passait, il emportait des armes et des échelles. Psophis est une ville ancienne d’Arcadie dans l’Azanide. Par rapport au Péloponnèse en général, elle est au milieu ; mais par rapport à l’Arcadie, Psophis est dans la partie occidentale, et joint presque de ce côté‑là les frontières d’Achaïe. Elle commande avantageusement les Éléens, avec qui elle ne faisait alors qu’une même république. Philippe campa sur des hauteurs qui sont vis‑à‑vis de la ville, et d’où l’on a vue non-seulement sur la place, mais encore sur les lieux circonvoisins. Il fut frappé de la forte situation de cette ville, et ne savait quel parti prendre. Du côté d’occident elle est fermée par un torrent impétueux, qui, tombant des hauteurs voisines, s’est fait en peu de temps un lit fort large, où l’on ne trouve pas de gué la plus grande partie de l’hiver, et qui par là rend cette ville presque inaccessible et imprenable : l’Érymanthe la couvre du côté d’Orient, fleuve grand et rapide, et sur lequel on rapporte une infinité d’histoires. Du côté du midi le torrent se jette dans l’Érymanthe, ce qui fait comme trois fleuves qui couvrent trois faces de cette ville. Enfin au septentrion s’élève une colline fortifiée et bien fermée de murailles, qui tient lieu d’une bonne et forte citadelle. Toute la ville était entourée de murailles hautes et bien bâties, et il y avait une garnison de la part des Éléens, que commandait Euripidas qui s’y était retiré.




CHAPITRE XV.


Escalade de Psophis. — Libéralité de Philippe à l’égard des Éléens. — Nonchalance de ce peuple à se conserver dans son ancien état. — Reddition de Thalamas.


Philippe, à la vue de ces obstacles, demeura quelque temps en suspens. Tantôt il renonçait au dessein qu’il avait eu de faire le siége de cette ville, tantôt il le reprenait par la considération des avantages qu’il en tirerait en cas qu’il réussît ; car autant cette ville devait être formidable aux Achéens et aux Arcadiens tant que les Éléens en seraient les maîtres, autant leur devait‑elle être avantageuse dès qu’ils la leur auraient enlevée. Il se résolut donc à l’assiéger. Pour cela il donna ordre aux Macédoniens de prendre leur repas dès le point du jour, et de se tenir prêts. Le matin il passa l’Érymanthe sur un pont ; les assiégés en furent si étonnés que personne ne s’opposa à son passage. Il approche de la ville avec un appareil et une assurance qui y jettent l’épouvante. Euripidas et les habitans sont effrayés ; jusqu’alors ils avaient cru que les ennemis n’oseraient pas mettre le siége devant une ville si forte, et si capable de le soutenir