Aller au contenu

Page:Liskenne, Sauvan - Bibliothèque historique et militaire, Tome 2, 1836.djvu/583

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
575
POLYBE, LIV. V.

que nous allons reprendre d’un peu haut le règne d’Antiochus et de Ptolémée, et que nous en commencerons l’histoire par des choses connues et dont tout le monde convient. On ne peut trop exactement suivre cette méthode ; car ce que les anciens ont dit, que c’est avoir fait la moitié d’un ouvrage que de l’avoir commencé, ils ne l’ont dit que pour nous faire entendre qu’en toutes choses notre principal soin doit être de bien commencer. Cette maxime des anciens paraît un paradoxe, mais elle est encore, à mon avis, au-dessous de la vérité. On peut assurer hardiment que le commencement n’est pas seulement la moitié d’une entreprise, mais qu’il a encore un rapport essentiel avec la fin. Comment bien commencer un ouvrage, sans l’avoir conduit d’esprit jusqu’à la fin, et sans avoir connu d’où on le commencera, jusqu’où on le poussera, et quel en sera le but ? comment récapitulera-t-on bien à la fin tout ce que l’on a dit, sans avoir su dès le commencement d’où, comment et pourquoi l’on est venu jusqu’à un certain point ? Puis, comme les commencemens ne sont pas seulement liés avec le milieu, mais encore avec la fin, on doit y faire une très-grande attention, soit qu’on écrive ou qu’on lise une histoire générale, et c’est ce que nous tâcherons d’observer.

Au reste, je sais bien que d’autres historiens promettent comme moi une histoire générale, et se vantent d’avoir conçu le plus grand projet qu’on se soit jamais proposé. Éphore est de ce nombre ; il est le premier et le seul qui l’ait entrepris. Pour les autres, on me dispensera d’en rien dire et de les nommer. Je dirai seulement que quelques historiens de notre temps se croient bien fondés à croire leur histoire générale, pour nous avoir donné en trois ou quatre pages la guerre des Romains contre les Carthaginois. Mais il faudrait être bien ignorant pour ne savoir pas qu’en Espagne et en Afrique, en Sicile et en Italie, il s’est fait dans le même temps un grand nombre d’exploits très-éclatants ; et qu’après la première guerre punique, la plus célèbre et la plus longue qui se soit faite est celle qu’Annibal soutint contre les Romains ; guerre si considérable, qu’elle attira l’attention de tous les états, et qu’elle fit trembler dans l’attente du résultat qu’elle aurait. Cependant l’on voit des historiens qui, expliquant moins les faits que ces peintres qui, dans quelques républiques, les tracent sur les murailles à mesure qu’ils arrivent, se vantent d’embrasser tout ce qui s’est passé chez les Grecs et chez les Barbares. D’où vient que l’effet répond si mal aux promesses ? c’est qu’il n’est rien de plus aisé que de promettre les plus grandes choses, que tout le monde est en état de le faire, et qu’il ne faut pour cela qu’un peu de hardiesse ; mais qu’il est difficile d’exécuter en effet quelque chose de grand, qu’il se rencontre rarement de gens qui en soient capables, et qu’à peine s’en trouve-t-il qui, en sortant de la vie, aient mérité cet éloge. Ceci ne plaira pas à ces auteurs qui admirent leurs productions avec tant de complaisance ; mais il était à propos de les humilier. Je reviens à mon sujet.

Ptolémée, surnommé Philopator, ayant, après la mort de son père, fait mourir Magas son frère et ses partisans, s’assit sur le trône de l’Égypte. Par la mort de Magas il croyait s’être mis par lui-même à couvert de tous périls domestiques ; il croyait que la fortune l’avait défendu contre toute crainte du dehors, depuis qu’elle avait enlevé de cette vie Antigonus et Seleucus, et ne