Aller au contenu

Page:Liskenne, Sauvan - Bibliothèque historique et militaire, Tome 2, 1836.djvu/588

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
 Les corrections sont expliquées en page de discussion
580
POLYBE, LIV. V.

dans cette affaire, Épigène parla le premier, et dit qu’il n’y avait pas un moment à différer, que le roi devait sur-le-champ se transporter en personne sur les lieux, qu’il prendrait là le temps convenable pour agir contre les révoltés ; que quand il y serait, ou Molon n’aurait pas la hardiesse de remuer sous les yeux du prince et d’une armée ou, s’il persistait dans son dessein, les peuples ne manqueraient pas de le livrer bientôt au roi.

Il parlait encore lorsque Hermias, transporté de colère, dit qu’il y avait long-temps qu’Épigène trahissait en secret le royaume, mais qu’heureusement il s’était découvert par l’avis qu’il venait de donner, qui ne tendait qu’à faire partir le roi avec peu de troupes, et à mettre sa personne entre les mains des révoltés. Il s’arrêta là, content d’avoir jeté comme cette première semence de calomnie ; mais c’était là plutôt un mouvement d’aigreur qui lui échappait, qu’un effet de la haine implacable dont il était dévoré. Son avis fut donc qu’il ne fallait pas marcher contre Molon. Ignorant et sans expérience des choses de la guerre, il craignit de courir les risques de cette expédition ; Ptolémée était pour lui beaucoup moins redoutable : on pouvait sans rien craindre attaquer un prince qui ne s’occupait que de ses plaisirs. Le conseil ainsi épouvanté, il fit donner la conduite de la guerre contre Molon à Xénon et à Théodote Hémiolien, et pressa Antiochus de penser à reconquérir la Cœlo-Syrie : par là, il venait à son but, qui était que le jeune prince enveloppé pour ainsi dire de tous les côtés, de guerres, de combats et de périls, et ayant besoin de ses services, n’eût pas le temps de penser ni à le punir de ses fautes passées, ni à le dépouiller de ses dignités.

Il forgea ensuite une lettre qu’il feignit lui avoir été envoyée par Achéus et la remit au roi. Cette lettre portait que Ptolémée pressait Achéus de s’emparer du royaume ; qu’il le fournirait de vaisseaux et d’argent s’il prenait le diadème et prétendait ouvertement à la souveraineté qu’il avait déjà en effet, mais dont il s’enlevait lui-même le titre en rejetant la couronne que la fortune lui présentait. Sur cette lettre, le roi résolut de marcher à la conquête de la Cœlo-Syrie. Quand il fut à Séleucie, près de Zeugma, Diognète, amiral, y arrivait de Cappadoce, amenant avec lui Laodice, fille de Mithridate, pour la remettre entre les mains d’Antiochus, à qui elle était destinée pour femme. Ce Mithridate se vantait de descendre d’un des sept Perses qui avaient tué Magus, et d’avoir conservé la domination que ses pères avaient reçue de Darius, et qui s’étendait jusqu’au Pont-Euxin. Antiochus, suivi d’un nombreux cortége, alla au devant de la princesse, et les noces se firent avec la magnificence qu’on devait attendre d’un grand roi. Ensuite il vint à Antioche pour y proclamer reine Laodice, et s’y disposer à la guerre.

Pour reprendre l’histoire de Molon, il attira dans son parti les peuples de son gouvernement, partie en leur faisant espérer un grand butin, partie en intimidant les chefs par des lettres menaçantes qu’il feignait avoir reçues du roi. Il avait encore disposé son frère à agir de concert avec lui, et s’était mis en sûreté contre les satrapes voisins, dont il avait, à force de largesses, acheté l’amitié : ces précautions prises, il se met en marche à la tête d’une grande armée et va au devant des troupes du roi. Xénon et Théodote craignant qu’il ne fondît sur eux, se retirèrent dans les villes. Molon se rendit