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Page:Liskenne, Sauvan - Bibliothèque historique et militaire, Tome 2, 1836.djvu/589

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POLYBE, LIV. V.

maître du pays des Apolloniates et y trouva des vivres en abondance. Dès auparavant, il était formidable par l’étendue de son gouvernement : car c’est chez les Mèdes que sont tous les haras de chevaux du roi ; il y a du blé et des bestiaux sans nombre ; la force et la grandeur du pays est inexplicable.

En effet, la Médie occupe le milieu de l’Asie ; mais comparée avec les autres parties, il n’y en a point qu’elle ne surpasse et en étendue et par la hauteur des montagnes dont elle est couverte. Outre cela, elle commande à des nations très-fortes et très-nombreuses. Du côté d’orient, sont les plaines de ce désert qui est entre la Perse et la Parrhasie, les portes Caspiennes et les montagnes des Tapyriens, dont la mer d’Hyrcanie n’est pas fort éloignée ; au midi, elle est limitrophe à la Mésopotamie et aux Apolloniates. Elle touche aussi à la Perse, et elle est défendue de ce côté-là par le Zagre, montagne haute de cent stades, et partagée en différens sommets qui forment ici des gouffres, et là des vallées qu’habitent les Cosséens, les Corbréens, les Carhiens et plusieurs autres sortes de Barbares qui sont en réputation pour la guerre. Elle joint du côté de l’occident les Ataopatiens, peuple peu éloigné des nations qui s’étendent jusqu’au Pont-Euxin. Enfin, au septentrion, elle est bornée par les Éliméens, les Ariaraces, les Caddusiens et les Matianes, et domine sur cette partie du Pont qui touche aux Palus-Méotides. De l’orient à l’occident règne une chaîne de montagnes entre lesquelles sont creusées des campagnes toutes remplies de villes et de bourgs.

Molon, maître d’un pays si vaste et si approchant d’un grand royaume, ne pouvait pas manquer d’être redoutable ; mais, quand les généraux de Ptolémée lui eurent abandonné le plat pays, et que les premiers succès eurent enflé le courage de ses troupes, ce fut alors que la terreur de son nom se répandit partout, et que les peuples d’Asie désespérèrent de pouvoir lui résister. D’abord il eut dessein de passer le Tigre pour assiéger Séleucie ; mais, comme Zeuxis avait fait enlever tous les bateaux qui étaient sur ce fleuve, il se retira au camp appelé de Ctésiphon, et amassa des provisions pour y passer l’hiver.




CHAPITRE XI.


Progrès de la révolte de Molon. — Xénète, général d’Antiochus, passe le Tigre pour attaquer le rebelle, et il est vaincu.


Le roi, ayant eu avis des progrès de Molon et de la retraite de ses généraux, voulait retourner contre ce rebelle et cesser la guerre contre Ptolémée ; mais Hermias s’en tint à son premier projet, et envoya contre Molon, Xénète, Achéen qu’il fit nommer généralissime. « Il faut, disait-il, faire la guerre à des révoltés par des généraux ; mais c’est au roi de marcher contre des rois et de combattre pour l’empire. » Ayant le jeune prince comme à ses ordres, il continua de marcher, et assembla les troupes à Apamée ; de là il fut à Laodicée. Le roi partit de cette ville avec toute son armée, et, traversant le désert, il entra dans une vallée fort étroite, entre le Liban et l’Anti-Liban, et qu’on appelle la vallée de Marsyas. Dans l’endroit le plus resserré, sont des marais et des lacs sur lesquels on cueille des roseaux odoriférans. Le détroit est commandé de deux côtés par deux châteaux, dont l’un s’appelle Broque et l’autre Gerrhe, et qui ne laissent entre eux qu’un passage assez étroit. Le roi marcha plusieurs jours dans cette vallée, s’empara des villes voisines, et ar-