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Page:Liskenne, Sauvan - Bibliothèque historique et militaire, Tome 2, 1836.djvu/594

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POLYBE, LIV. V.

mercenaires grecs, enfin la phalange. À l’aile gauche, il mit la cavalerie qu’on appelle les Hétères ou compagnons du roi. Dix éléphans qu’il avait furent placés à la première ligne, à quelque distance de l’armée ; les troupes auxiliaires, tant infanterie que cavalerie, furent partagées sur les deux ailes, et eurent ordre d’envelopper les ennemis dès que le combat serait engagé. Hermias et Zeuxis commandaient la gauche, et le roi se chargea du commandement de la droite. Il courut ensuite de rang en rang pour encourager les soldats à bien faire leur devoir.

Molon sortit aussi de ses retranchemens, et rangea son armée, quoique avec beaucoup de peine, à cause du désordre de la nuit précédente. Il partagea sa cavalerie sur les deux ailes, comme avaient fait les ennemis, et mit au centre les rondachers, les Gaulois, en un mot, tout ce qu’il avait de soldats pesamment armés. Il répandit sur le front des deux ailes les archers, les frondeurs, toutes les troupes légères, et les chariots armés de faux furent mis un peu devant la première ligne. Néolas, son frère, eut le commandement de la gauche ; il prit pour lui celui de la droite.

Après cela les deux années s’approchèrent. L’aile droite de Molon fut fidèle, et se défendit courageusement contre Zeuxis ; mais la gauche ne parut pas plus tôt sous les yeux du roi, qu’elle se rangea sous ses enseignes. Autant Molon fut consterné de cet événement, autant le roi en prit de nouvelles forces. Molon, enveloppé de tous les côtés, et se représentant les supplices qu’on lui ferait souffrir s’il tombait vif entre les mains du roi, se donna lui-même la mort. Tous ceux qui avaient pris part à sa révolte se retirèrent chez eux, et prévinrent leur punition par une mort volontaire. Néolas, échappé du combat, s’enfuit dans la Perside, chez Alexandre, frère de Molon, y tua sa mère et les enfans de Molon, persuada à Alexandre de se faire mourir, et se plongea lui-même un poignard dans le sein. Le roi, ayant pillé le camp des rebelles, donna ordre d’attacher le corps de Molon à un gibet, dans l’endroit le plus apparent de la Médie. Les exécuteurs de cet ordre emportèrent aussitôt le corps dans la Calonitide, et l’attachèrent à un gibet sur le penchant du mont Zagre. Antiochus fit ensuite une longue et sévère réprimande aux troupes qui avaient suivi le rebelle, leur tendit cependant la main en signe de pardon, et leur choisit des chefs pour les conduire dans la Médie et mettre ordre aux affaires du pays. Il vint lui-même à Séleucie, et rétablit le bon ordre dans le gouvernement des environs avec beaucoup de douceur et de prudence. Pour Hermias, toujours cruel suivant la coutume, il imposa à la ville de Séleucie une amende de mille talens, envoya en exil les magistrats appelés Aiganes, et fit mourir dans différens supplices un grand nombre d’habitans. Le roi cependant rétablit la tranquillité dans cette ville, soit en faisant entendre raison à Hermias, soit en prenant lui-même le soin des affaires, et diminua l’amende de moitié. Diogène fut fait gouverneur de la Médie, Apollodore de la Susiane. Tychon, premier secrétaire et commandant d’armée, fut envoyé dans les lieux voisins de la mer Rouge. Ainsi finit la révolte de Molon ; ainsi fut calmé le soulèvement qui avait eu lieu au sujet des hautes provinces.