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Page:Liskenne, Sauvan - Bibliothèque historique et militaire, Tome 2, 1836.djvu/609

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POLYBE, LIV. V.

de lait du roi. Derrière eux, deux mille chevaux sous la conduite d’Antipater, et deux mille autres rangés en crochet ; proche la cavalerie, les Crétois au front ; puis les mercenaires grecs ; entre eux et les troupes armées à la macédonienne, cinq mille Macédoniens commandés par Battacus. À l’aile gauche, deux mille chevaux que commandait Thémisson, puis de suite les archers cardaces et lydiens, les troupes légères de Ménédème au nombre de trois mille ; les Cissiens, Mèdes et Carmaniens ; les Arabes et leurs voisins, qui touchaient à la phalange. Cette aile gauche était couverte du reste des éléphans que conduisait un nommé Mysique, page du roi.

Les armées ainsi rangées en bataille, les deux rois, accompagnés de leurs favoris et des chefs, allèrent de corps en corps sur le front de la ligne pour encourager les troupes ; ils s’attachèrent surtout l’un et l’autre à leur phalange, dont ils espéraient le plus. Ptolémée était accompagné d’Arsinoé, sa sœur, d’Andromaque et de Sosibe ; Antiochus, de Théodote et de Nicarque : c’étaient, de part et d’autre, les chefs des phalanges. Les harangues, de part et d’autre, roulaient sur les mêmes motifs. Comme les deux princes n’étaient sur le trône que depuis peu, et qu’ils n’avaient rien fait encore de fort mémorable, ils se servirent, pour animer les phalanges, de la gloire de leurs ancêtres, et des grandes actions qui la leur avaient acquise. Ils leur firent voir surtout, aux officiers en particulier et à toutes les troupes en général, les grandes espérances que l’on fondait sut leur valeur. Prières, exhortations, on employa tout pour les engager à bien faire leur devoir.

Après que les deux rois eurent ainsi exhorté leurs soldats, ou par eux-mêmes ou par des interprètes, Ptolémée revint à son aile gauche avec sa sœur, et Antiochus suivi de sa cavalerie à son aile droite : sur-le-champ on sonne la charge, et les éléphans commencent l’action. Quelques-uns de ceux de Ptolémée vinrent fondre avec impétuosité sur ceux d’Antiochus : on se battit, des tours, avec beaucoup de chaleur, les soldats combattant de près et se perçant les uns les autres de leurs piques. Mais ce qui fut le plus surprenant, ce fut de voir les éléphans mêmes fondre les uns sur les autres et se battre avec fureur ; car telle est la manière de combattre de ces animaux : ils se prennent par les dents, et, sans changer de place, ils se poussent l’un l’autre de toutes leurs forces, jusqu’à ce que l’un des deux, plus fort, détourne la trompe de son antagoniste ; et dès qu’il lui a fait prêter le flanc, il le perce à coups de dents, comme les taureaux se percent avec les cornes. La plupart des éléphans de Ptolémée craignirent le combat, ce qui est assez ordinaire aux éléphans d’Afrique. Ils ne peuvent soutenir ni l’odeur ni le cri de ceux des Indes, ou, plutôt, je crois que c’est la grandeur et la force de ceux-ci qui les épouvantent et leur font prendre la fuite avant même qu’on les en approche. C’est ce qui arriva dans cette occasion : ces animaux, ayant lâché pied, enfoncèrent les rangs qui se rencontrèrent devant eux ; la garde de Ptolémée en fut renversée. Antiochus tourna en même temps au-dessus des éléphans, et chargea la cavalerie que commandait Polycrates. Les mercenaires grecs, qui étaient en-deçà des éléphans auprès de la phalange, donnent sur les rondachers de Ptolémée, et les enfoncent d’autant plus aisément, qu’ils avaient déjà été désunis et rompus par leurs éléphans. Ainsi toute