Aller au contenu

Page:Liskenne, Sauvan - Bibliothèque historique et militaire, Tome 2, 1836.djvu/61

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
— 53 —

campagne qui aient jamais été imaginées.

Au blocus d’Alesia (Alise), entre plusieurs fossés dans lesquels coulait l’eau de deux rivières, qui entouraient la place, César fit encore enterrer par le tronc cinq rangs d’arbres dont les grosses branches, coupées à un pied, et aiguisées, étaient un obstacle impénétrable à l’ennemi. Par delà ce formidable abatis, on creusa huit rangs de puits placés en quinconce ; et dans le fond de ces puits on avait enfoncé des pieux très pointus, qui ne sortaient de terre que de quatre pouces. L’ouverture était couverte d’épines et de broussailles. En avant de ces puits, il fit parsemer tout le terrain de chausse-trapes, faites avec des planches d’un pied carré, armées de pointes de fer qu’on recouvrait légèrement de terre. Telle était la ligne de circonvallation de César.

Sa ligne de contrevallation semble aussi ingénieuse pour se précautionner contre les secours que Vercingetorix, enfermé dans Alise, attendait de jour en jour. Il est certain que les Romains savaient ajouter à leurs retranchemens ce que les circonstances paraissaient exiger. Ils ne connaissaient pas encore la défense que l’on tire des angles qui se protègent mutuellement ; mais ils se servaient de tout ce qui peut multiplier les obstacles.

L’immensité des travaux de Numance, de Carthage, de Dyrrachium et de Perusium, prouve évidemment que, dans les occasions importantes, ils ne négligeaient rien de tout ce qui pouvait contribuer à leurs succès et à leur sûreté. On employait les légionnaires à ces travaux ; ainsi un soldat romain était manœuvre, maçon, charpentier, forgeron, terrassier. Il exerçait, en temps de paix, ces différentes professions, quelque pénibles qu’elles fussent, et les regardait comme une partie essentielle de son état.

Il arrivait quelquefois que les armées étant restées en présence pendant une journée entière, sans que chacune jugeât prudent d’attaquer son adversaire, ni de quitter ouvertement sa position, il fallut, avant la nuit, établir un camp, le retrancher, et surtout éviter que l’ennemi n’insultât les travailleurs. L’histoire nous en a conservé des exemples, et l’on voit qu’ils ne contiennent rien qu’un général ne fit, de nos jours, dans une position semblable.

Paul Émile, ayant joint l’armée macédonienne, dont il s’était approché à marches forcées, changea de projet, et jugea à propos de camper au lieu de combattre. Ses légions se trouvaient rangées sur trois lignes dans l’ordre par manipules. Voulant cacher son mouvement et couvrir les travailleurs, il envoya tracer le camp, et y fit passer les bagages qui s’établirent de suite. Bientôt il détacha la troisième ligne, composée des triaires, pour construire les retranchemens. Lorsque ce travail fut un peu avancé, il envoya de même les princes qui faisaient la seconde ligne, restant seulement avec les hastaires dont le front était cependant couvert par les troupes légères, et les ailes flanquées par la cavalerie. Un peu plus tard, il fit replier les manipules de hastaires l’un après l’autre, commençant par la droite. On rappela la cavalerie et les vélites lorsque le front du camp fut achevé.

César prend les mêmes précautions pour se retrancher en présence d’Afranius. Ayant laissé six cohortes à la garde du pont sur la Sègre, du camp et du bagage, César marche vers Lérida. Il se présente sur trois lignes devant le camp ennemi, et offre le combat en rase campagne ; mais Afranius, posté sur le