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Page:Liskenne, Sauvan - Bibliothèque historique et militaire, Tome 2, 1836.djvu/614

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POLYBE, LIV. V.

mais rien pour satisfaire aux dépenses, tant publiques que particulières. De là les contestations, les disputes, les emportemens qui les aigrissaient les uns contre les autres, comme il arrive d’ordinaire dans les républiques et entre les particuliers, lorsqu’on se voit dans l’impuissance de mettre à exécution ce que l’on avait projeté.

Deux choses les divisaient : premièrement, le rétablissement des murs de la ville, les uns disant qu’il la fallait rétrécir et en régler le circuit sur les moyens que l’on avait pour le faire et sur les forces que l’on aurait pour le garder en cas d’attaque, ajoutant que la ville n’avait été renversée que parce qu’étant trop grande, on n’avait point assez de monde pour la défendre ; outre cela, qu’on devait obliger les plus riches citoyens de donner le tiers de leurs fonds pour grossir le nombre des habitans. Les autres, au contraire, ne pouvaient souffrir ni qu’on donnât moins d’étendue à la ville, ni qu’on abandonnât la troisième partie des biens pour la peupler. L’autre sujet de division, et le principal, était les lois que Prytanis, péripatéticien distingué, qu’Antigonus leur avait envoyé pour législateur, leur avait données. Aratus prit tout le soin possible de calmer les esprits, et en vint à bout. La paix se fit, et l’on en grava les articles sur une colonne que l’on mit près de l’autel de Vesta à Omarion. Il partit ensuite de Mégalopolis, vint à l’assemblée des Achéens, et donna le commandement des étrangers à Lycus de Pharès, propréteur dans le territoire qui avait été assigné à sa patrie.

Les Éléens, irrités contre Pyrrhias, se choisirent encore un préteur chez les Étoliens, et firent venir Euripidas. Celui-ci observa le temps de l’assemblée des Achéens, et, s’étant mis en campagne à la tête de soixante chevaux et de deux mille fantassins, il passa par le pays des Pharéens, le pilla jusque près d’Égée ; et, après y avoir fait tout le butin qu’il souhaitait, se retira à Léontium. Lycus, en étant averti, courut au secours. Il joignit les ennemis, les attaqua brusquement, en laissa quatre cents sur la place, et fit deux cents prisonniers, dont les plus éminens étaient Physsias, Antanor, Cléarque, Androloque, Évanoridas, Aristogiton, Nicasippe et Aspasios. Les armes et tout le butin restèrent au vainqueur. Vers le même temps l’amiral des Achéens, ayant fait voile vers Molycrie, en revint avec cent esclaves. Il repartit et alla à Chalcée : il livra là un combat d’où il ramena deux vaisseaux longs et tout leur équipage. Il prit encore un petit bâtiment tout équipé, près de Rhie en Étolie. Toutes ces prises, par mer et par terre, jetèrent chez les Achéens beaucoup d’argent et de provisions ; cela fit espérer aux troupes que leur solde serait payée, et aux villes qu’elles ne seraient point chargées d’impôts.

Sur ces entrefaites, Scerdilaïdas, ayant à se plaindre de Philippe, sur ce que ce prince ne lui payait pas toute la somme dont ils étaient convenus par un traité fait entre eux, envoya quinze vaisseaux pour emporter par artifice ce qui lui était dû. Ces vaisseaux abordèrent à Leucade, et, en conséquence du traité précédent, ils y furent reçus comme amis. Ils n’y firent, en effet, ni ne purent même y faire aucun acte d’hostilité ; mais on connut leur mauvais dessein, lorsqu’Agathune et Cassandre, Corinthiens, étant aussi venus comme amis à Leucade, sur quatre vaisseaux de Taurion, ils les attaquèrent contre la foi des traités, prirent ces deux capitaines et leurs vaisseaux,