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Page:Liskenne, Sauvan - Bibliothèque historique et militaire, Tome 2, 1836.djvu/616

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POLYBE, LIV. V.

de Péonie, et la plus avantageusement située pour faire des incursions de Dardanie dans la Macédoine, de sorte que, s’en étant rendu maître, il n’avait presque plus rien à craindre de la part des Dardaniens. C’était là l’entrée de la Macédoine ; et depuis que Philippe s’en était emparé, il n’était pas aisé aux Dardaniens de mettre le pied dans son royaume. Après y avoir mis garnison, il envoya Chrysogone lever des troupes dans la haute Macédoine, et, prenant ce qu’il y en avait dans la Béotie et dans l’Amphaxitide, il vint à Édèse ; d’où ayant joint à son armée le corps de troupes qu’avait amassé Chrysogone, il se mit en marche et parut au sixième jour devant Larisse. Il en partit de nuit sans se reposer, et arriva au point du jour à Mélitée, aux murs de laquelle il fit d’abord dresser les échelles. Les Mélitéens furent si effrayés d’un assaut si subit et si imprévu, qu’il lui eût été aisé de prendre la ville ; mais les échelles étaient trop courtes, et il manqua son coup.

Ce sont là de ces fautes où des chefs ne peuvent tomber sans s’attirer de justes reproches. On blâme avec raison la témérité de certaines gens qui, sans avoir pris leurs précautions, sans avoir mesuré les murailles, sans avoir reconnu les rochers ou les autres endroits par où ils veulent faire leurs approches, se présentent étourdiment devant une ville. Mais ceux-là sont-ils plus excusables, qui, après avoir pris toutes les mesures nécessaires, donnent aux premiers venus le soin des échelles et de tous les autres instrumens de cette espèce ? Il ne faut pas tant prendre garde à la facilité qu’il y a de les faire, qu’à l’importance dont ils sont dans certaines conjonctures. En ces sortes d’affaires, rien n’est impunément négligé ; la peine suit toujours la faute. Si l’entreprise s’exécute, on expose ses plus braves gens à un danger inévitable ; et si on se retire, on s’expose au mépris, peine plus grande que la mort même. S’il fallait justifier cela par des exemples, j’en trouverais sans nombre. De ceux qui n’ont pas réussi dans les entreprises de cette nature, il y en a beaucoup plus qui y ont perdu la vie, ou du moins qui ont été dans un péril évident de la perdre, que de ceux qui se sont retirés sans perte. Encore faut-il convenir qu’on n’a plus pour ceux-ci que de la défiance et de la haine. Leur faute est comme un avertissement public de se tenir sur ses gardes. Je dis public, parce que non-seulement ceux qui sont témoins de la chose, mais aussi ceux qui l’apprennent d’ailleurs, en sont avertis d’être toujours en garde et de prendre des précautions. C’est donc à ceux qui sont à la tête des affaires, de ne point entreprendre de pareils desseins, sans avoir auparavant bien pensé aux moyens de les mettre en exécution. À l’égard de la mesure des échelles et de la fabrique des autres instrumens de guerre, il y a pour cela une méthode aisée et certaine : nous en parlerons dans une autre occasion, où nous tâcherons de montrer quelle manière on doit faire l’escalade pour qu’elle ait un heureux succès. Mais, à présent, reprenons le fil de notre histoire.

Le projet de Philippe ayant échoué, ce prince alla camper sur le bord de l’Énipée, où il fit venir de Larisse et des autres villes toutes les munitions qu’il y avait amassées pendant l’hiver, pour faire le siége de Thèbes dans la Phéthotide, lequel siége était tout le but de son expédition. Cette ville est située assez près de la mer, à trois cents stades de Larisse, commandant d’un côté la Magnésie, et de l’autre la Thes-