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Page:Liskenne, Sauvan - Bibliothèque historique et militaire, Tome 2, 1836.djvu/618

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POLYBE, LIV. V.

pas encore ce qui s’était passé en Italie, où les Romains avaient été défaits par Annibal dans la Toscane, dans le temps qu’il était devant Thèbes ; le bruit de cette victoire n’avait point encore passé jusque dans la Grèce.

Philippe, n’ayant pu atteindre les vaisseaux de Scerdilaïdas, prit terre à Cenchrée. De là, les vaisseaux pontés cinglèrent, par son ordre, vers Malée, pour se rendre à Égée et à Patres, et il fit transporter le reste par la pointe du Péloponnèse à Léchée, où ils devaient tous demeurer à l’ancre. Il partit ensuite avec ses favoris pour se trouver aux jeux Néméens à Argos. Pendant qu’il y assistait à un des combats, arrive de Macédoine un courrier qui lui donne avis que les Romains avaient perdu une grande bataille, et qu’Annibal était maître du plat pays. Le roi ne montra cette lettre qu’à Demetrius de Pharos, et lui défendit d’en parler. Celui-ci saisit cette occasion pour lui représenter qu’il devait au plus tôt laisser la guerre d’Étolie, pour attaquer les Illyriens, et passer ensuite en Italie ; que la Grèce, déjà soumise en tout, lui obéirait également dans la suite ; que les Achéens étaient entrés d’eux-mêmes et de plein gré dans ses intérêts, que les Étoliens, effrayés de la guerre présente, ne manqueraient pas de les imiter ; que, s’il voulait se rendre maître de l’univers, noble ambition qui ne convenait à personne mieux qu’à lui, il fallait commencer par passer en Italie et la conquérir ; qu’après la défaite des Romains, le temps était venu d’exécuter un si beau projet, et qu’il n’y avait plus à hésiter. Un roi jeune, heureux dans ses exploits, hardi, entreprenant, et, outre cela, né d’une maison qui, je ne sais comment, s’était toujours flattée de parvenir un jour à l’empire universel, ne pouvait être qu’enchanté d’un pareil discours.

Quoiqu’il n’eût alors montré sa lettre qu’à Demetrius, dans la suite, il assembla ses amis et demanda leur avis sur la paix qu’on lui conseillait de faire avec les Étoliens. Comme Aratus n’était pas fâché que la paix se fît pendant qu’on était supérieur dans la guerre, le roi, sans attendre les ambassadeurs, avec qui l’on devait convenir en commun des articles, envoya chez les Étoliens Cléonicus de Naupacte, qui, depuis qu’il avait été pris, attendait encore le synode des Achéens ; puis, prenant à Corinthe des vaisseaux et une armée de terre, il alla à Égée. Pour ne point paraître trop empressé de finir la guerre, il s’approcha de Lasion, prit une tour bâtie sur les ruines de cette ville, et fit mine d’en vouloir à Élée. Après avoir envoyé deux ou trois fois Cléonicus, comme les Étoliens demandaient des conférences, il y consentit. Il ne pensa plus depuis à cette guerre ; mais il écrivit aux villes alliées d’envoyer leurs plénipotentiaires pour délibérer en commun sur la paix. Il partit ensuite avec une armée, et alla camper à Panorme, qui est un port du Péloponnèse, vis-à-vis Naupacte, et attendait là les plénipotentiaires des alliés. Pendant qu’ils s’assemblaient, il passa à Zacynthe, pour mettre ordre aux affaires de cette île, et revint aussitôt à Panorme. Les plénipotentiaires assemblés, il envoya Aratus et Taurion à Naupacte avec quelques autres. Ils y trouvèrent un grand nombre d’Étoliens, qui souhaitaient avec tant d’ardeur que la paix se fît, qu’on n’eut pas besoin de longues conférences. Ils revinrent à Panorme pour informer Philippe de l’état des choses. Les Étoliens envoyèrent avec eux des ambassadeurs au roi, pour le prier de