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Page:Liskenne, Sauvan - Bibliothèque historique et militaire, Tome 2, 1836.djvu/630

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POLYBE, LIV. VI.

Pour porter des historiens un jugement droit et raisonnable, il ne faut point en juger sur ce qu’ils ont omis, mais sur ce qu’ils ont écrit. Si dans ce qu’ils rapportent il se rencontre quelque chose de faux, il faut croire que ce n’est que par ignorance qu’ils ont omis certaines choses ; si au contraire tout est vrai, on doit conclure en leur faveur que leur silence sur certains faits ne vient point de leur ignorance, mais qu’ils ont eu de bonnes raisons pour le garder.


Les trois sortes de gouvernemens dont j’ai parlé composaient la république romaine, et toutes trois étaient tellement balancées l’une par l’autre, que personne, même parmi les Romains, ne pouvait assurer, sans crainte de se tromper, si le gouvernement y était aristocratique, démocratique ou monarchique. En jetant les yeux sur le pouvoir des consuls, on eût cru qu’il était monarchique et royal ; à voir celui du sénat, on l’eût pris pour une aristocratie ; et celui qui aurait considéré la part qu’avait le peuple dans les affaires, aurait jugé d’abord que c’était un état démocratique. Or voici, à peu de chose près, en quoi consistent les droits des consuls, du sénat et du peuple.

Tant que les consuls restent dans la ville, ils sont maîtres des affaires publiques. Tous les autres magistrats, à l’exception des tribuns, leur sont soumis et leur obéissent. Ils conduisent les ambassadeurs dans le sénat. Dans les délibérations, ce sont eux qui font les rapports sur les objets de délibérations importantes. Le droit de faire les sénatus-consultes leur appartient. Ce sont eux qui sont chargés des affaires publiques qui doivent se faire par le peuple, et sont investis du droit de convoquer les assemblées, d’y présenter les projets, et de faire les lois d’après la pluralité des suffrages. Sur tout ce qui regarde la guerre, ils ont une autorité presque souveraine, comme d’exiger des alliés les secours qu’ils jugent nécessaires ; de créer des tribuns militaires ; de faire des armées ; de lever des troupes ; en campagne, de punir qui bon leur semble, et de tirer du trésor public tout ce qu’ils jugent à propos. Le questeur les suit partout et exécute sans délai tous leurs ordres. À considérer cette puissance du consulat, ne dirait-on pas que le gouvernement des Romains était monarchique et royal ? Au reste, qu’il arrive dans quelque temps d’ici quelque changement dans ce que je viens de dire ou dans ce que je dirai dans la suite, ce que j’avance n’en sera pas moins vrai.

Les droits du sénat sont, premièrement, d’être maître des deniers publics : rien n’entre dans le trésor, rien n’en sort que par ses ordres. Sans un sénatus-consulte les questeurs n’en peuvent rien tirer, même pour les besoins particuliers de la république ; il n’y a que les dépenses à faire pour les consuls qui soient exceptées. Les sommes considérables que les censeurs sont obligés tous les cinq ans d’employer aux réparations des édifices publics, c’est le sénat qui leur permet de les prendre. De plus les trahisons, les conspirations, les empoisonnemens, les assassinats, en un mot tous les crimes qui se commettent dans l’Italie et qui méritent une punition publique, c’est au sénat à informer : il lui appartient encore de juger des différends qui s’élèvent entre les particuliers ou les villes d’Italie, de les réprimander lorsqu’ils manquent à leur devoir, de les protéger et de les défendre quand ils ont besoin de secours. C’est lui qui envoie les ambassadeurs hors d’Italie, ou pour réconcilier les puissances entre