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Page:Liskenne, Sauvan - Bibliothèque historique et militaire, Tome 2, 1836.djvu/632

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POLYBE, LIV. VI.

écoulée, envoie à l’armée un autre chef, ou ordonne à celui qui la commande d’y demeurer ; c’est à lui de relever l’éclat et la gloire des hauts faits ; ou de la rabaisser. Ce qu’on appelle chez les Romains le triomphe, cérémonie pompeuse où l’on met sous les yeux du peuple les victoires remportées par les généraux, les consuls ne peuvent l’obtenir si le collége des sénateurs n’y consent et ne fournit l’argent nécessaire. D’un autre côté, comme le peuple a le pouvoir de finir la guerre, quelque éloignés de Rome qu’ils soient, il faut nécessairement qu’ils reviennent dans leur patrie, car c’est au peuple, comme j’ai déjà dit, qu’il appartient de ratifier ou de casser les traités. Mais, ce qui est le plus important, ces consuls, après avoir déposé leur autorité, sont obligés de rendre compte au peuple de l’usage qu’ils en ont fait, ce qui les tient toujours dans le respect à l’égard du sénat et du peuple.

Pour revenir sur le sénat, quelque grande que soit l’autorité de ce collége, il est néanmoins obligé de prendre l’avis du peuple dans les affaires qui concernent l’administration de la république. Dans les punitions qui se doivent infliger, à ceux qui dans le gouvernement des affaires publiques ont commis des crimes dignes de mort, il ne peut rien statuer que le peuple ne l’ait auparavant confirmé. Il en est de même des choses qui concernent le sénat lui-même ; car si quelqu’un propose une loi qui tende à retrancher quelque chose de la puissance dont le sénat est en possession, ou à détruire sa prééminence et sa dignité, ou à lui ôter de ses biens, le peuple est en droit de la recevoir ou de la rejeter. De plus, qu’un seul tribun s’oppose aux résolutions du sénat, celui-ci ne peut passer outre ; il ne peut pas même s’assembler, si un de ces magistrats s’y oppose. Or, le devoir de ces magistrats est de ne rien faire que ce qui plaît au peuple, et de consulter en tout sa volonté. Tout ce système retient l’autorité des sénateurs dans de justes bornes, et les oblige à avoir des égards pour le peuple.

De son côté, le peuple est dans la dépendance du sénat, et, soit dans les affaires particulières, soit dans les affaires publiques, il faut qu’il prenne son avis. Il y a dans toute l’Italie grand nombre d’ouvrages publics dont les censeurs sont chargés : érection de nouveaux édifices, réparation des anciens, levée d’impôts sur les rivières, les ports, les jardins, les mines, les terres, en un mot, tout ce qui est renfermé dans l’étendue de la domination des Romains, tous ces ouvrages, c’est le peuple qui les fait, en sorte qu’il n’y a presque personne qui n’y participe en quelque chose. Les uns les prennent à ferme des censeurs, les autres s’associent avec les fermiers ; ceux-ci sont cautions, ceux-là engagent pour les autres leurs biens au public, et le petit peuple travaille. Or, tous ces travaux sont sous les ordres et la direction du sénat. Il prolonge les termes ; il fait des remises quand il est arrivé quelque accident ; il casse les baux, si l’on ne peut les exécuter ; enfin il se rencontre mille circonstances où le sénat peut ou nuire beaucoup, ou rendre de grands services à ceux qui sont chargés des travaux publics, puisque c’est à lui que tous ces ouvrages se rapportent. Son principal privilége est qu’on choisit dans son sein les juges de la plupart des différends tant particuliers que publics, pour peu qu’ils soient importans. Ainsi chacun recherche sa protection et se garde bien de désobéir à ses ordres, dans la crainte que dans la suite il n’ait besoin de son secours. On obéit avec la même soumis-