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Page:Liskenne, Sauvan - Bibliothèque historique et militaire, Tome 2, 1836.djvu/663

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POLYBE, LIV. VII.

on ne devait pas tant lui imputer ces excès, dont sa jeunesse n’était point capable, qu’aux amis qui le suivaient ; et que, comme ces excès étaient incompatibles avec le caractère doux et modéré d’Aratus, il ne fallait en accuser que Demetrius de Pharos. Ce que j’avançais alors, je promis de le prouver dans la suite. Or on a vu, dans ce que nous avons rapporté des Messéniens, qu’Aratus était éloigné d’une journée, et que Demetrius était auprès du roi lorsque ce prince commença à goûter, pour ainsi dire, du sang humain, à manquer de foi à ses alliés, à dégénérer en tyran. Mais ce qui fait le plus sentir la différence qu’il y avait entre ces deux conseillers, c’est l’avis qu’ils donnèrent l’un et l’autre au prince, au sujet de la citadelle de Messène. En suivant celui d’Aratus, Philippe n’y toucha point, et par là consola, en quelque sorte, les Messéniens du carnage qu’il avait fait dans la ville ; et pour avoir écouté contre les Étoliens celui de Demetrius, il se laissa emporter à une violence qui ne lui était pas naturelle ; il se fit détester des dieux et des hommes : des dieux, en profanant leurs temples ; des hommes, en excédant les lois de la guerre. L’île de Crète nous fournit encore une nouvelle preuve de la sagesse d’Aratus. Tant qu’il fut consulté sur les affaires de cette île, Philippe, sans faire ni tort ni peine à personne, vit les Crétois recevoir ses ordres avec soumission, et mit tous les Grecs dans ses intérêts, par la douceur de son gouvernement : au lieu que, pour s’être livré à Demetrius, il porta chez eux toutes les horreurs de la guerre, se fit des ennemis de tous ses alliés, et détruisit la confiance qu’avaient en lui tous les autres peuples de la Grèce : tant il est important pour un jeune roi, de bien choisir ceux dont il doit recevoir des conseils ! de là dépend, ou le bonheur ou la ruine de ses états. C’est cependant à quoi la plupart des princes ne daignent pas seulement penser. (Ibid.)


IV.


Antiochus prend la ville de Sardes par l’adresse de Lagoras de Crète.


Autour de Sardes, nuit et jour et sans relâche, avaient lieu des escarmouches et des combats perpétuels ; on mettait en œuvre, de part et d’autre, toutes les ruses de guerre imaginables pour surprendre son ennemi et l’accabler. Décrire tous les détails de cette affaire, cela serait non-seulement inutile, mais encore ennuyeux. Il y avait déjà deux ans que ce siége durait, lorsque Lagoras de Crète, homme de guerre expérimenté, y mit fin de cette manière : il avait réfléchi que les places les plus fortes sont souvent celles que l’on prend avec plus de facilité, par la négligence des habitans, qui, se reposant de leur santé sur les fortifications naturelles ou artificielles de leur ville, ne se mettent pas en peine de la garder. Il savait encore que les places se prennent quelquefois par les endroits les plus forts, et que les assiégés croient que l’ennemi n’entreprendra pas d’attaquer. D’après ces réflexions, quoiqu’il vît bien que Sardes avait toujours passé pour une forteresse assez forte pour désespérer quiconque aurait tenté de la prendre d’assaut, et dont la famine seule pouvait faire ouvrir les portes, ces difficultés ne firent qu’augmenter son application à imaginer tous les moyens possibles d’y entrer. S’étant aperçu que la partie du mur qui joignait la citadelle à la ville, n’était point gardée, il forma le projet de la surprendre par cet endroit, et conçut l’es-