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Page:Liskenne, Sauvan - Bibliothèque historique et militaire, Tome 2, 1836.djvu/694

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POLYBE, LIV. IX.

seuls en soient instruits, sans lesquels il n’est pas possible de l’exécuter. Encore ne faut-il pas le leur communiquer d’abord, mais à mesure que le besoin de chaque chose vous y obligera. Or, l’art du secret ne consiste pas seulement à se taire, il consiste beaucoup plus à cacher ses dispositions intérieures ; car il est arrivé à bien des gens, qu’en gardant le silence ils ont laissé lire tantôt sur leur visage, tantôt dans leurs actions, tout ce qu’ils avaient de secret dans le cœur. Il faut connaître en second lieu les routes de jour et de nuit, et les moyens de les faire tant par terre que par mer. Un troisième et le principal, c’est de connaître les variations du temps par la disposition du ciel, et de savoir les faire servir à ses desseins. Le plan de l’exécution est encore à considérer ; c’est souvent ce plan qui rend possible ce qui paraissait ne l’être pas, et qui fait voir l’impossibilité des choses que l’on croyait faisables. Enfin, on doit faire beaucoup d’attention aux signaux, aux signes donnés par un jet des dés, ou simples ou doubles, aux personnes par lesquelles et avec lesquelles le projet doit être exécuté.

De toutes ces choses, les unes s’apprennent par l’usage et l’expérience, les autres par l’histoire et les enquêtes, et d’autres peuvent être réduites en doctrines et apprises avec méthode. Le meilleur serait donc de bien savoir par soi-même les chemins et l’endroit où l’on doit aller, la situation des lieux, ceux par qui et avec qui l’entreprise doit être exécutée. Si cela ne se peut, il faut du moins s’informer exactement de toutes ces choses, ne point s’en fier au premier venu, et prendre des gages de fidélité de ceux que l’on a choisis pour guides. Mais ces sortes de connaissances, les chefs peuvent les acquérir ou par l’usage, ou par leur propos expérience, ou par l’histoire. Il en est d’autres où l’on a besoin d’étude et d’observations, comme par exemple celles qui se tirent de l’astronomie et de la géométrie. Ce n’est pas qu’il importe beaucoup de posséder en entier l’objet de ces deux sciences, mais il est très-important d’en savoir faire quelque usage. Rien n’est plus utile pour connaître ces différences de temps dont nous avons parlé. Ce qu’elles apprennent de plus nécessaire, c’est la durée des jours et des nuits. Si cette durée était toujours la même, on n’aurait peut-être pas besoin du secours de ces sciences, elle serait connue également de tous ; mais comme il n’y a pas seulement de différence entre le jour et la nuit, et qu’il y en a encore entre un jour et un autre jour, entre une nuit et une autre nuit, il faut nécessairement savoir comment ils croissent ou diminuent. Sans la connaissance de ces changemens, quel moyen de prendre de justes mesures pour une marche de nuit ou de jour ? Comment arriver à temps où l’on se propose d’aller ? On arrivera ou trop tôt ou trop tard. Le premier dans ces seules occasions est beaucoup plus dangereux que l’autre ; car, celui qui vient trop tard en est quitte pour ne rien faire, comme il connaît de loin sa faute, il se retire sans rien craindre ; mais quand on arrive trop tôt et que l’on a été aperçu, outre que l’on manque son entreprise, on court risque d’être entièrement défait. De l’occasion dépendent toutes les actions humaines, mais surtout celles de la guerre. Et pour être à portée de la saisir, il est du devoir d’un général de connaître le solstice d’été et celui d’hiver, les équinoxes et les différens degrés d’accroissement et de diminution que reçoivent les jours et les nuits entre