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Page:Liskenne, Sauvan - Bibliothèque historique et militaire, Tome 2, 1836.djvu/698

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POLYBE, LIV. IX.

dans la plus belle et la plus auguste des dignités ? il n’y a personne de bon sens qui ne reconnaisse combien cela est peu raisonnable. Mais c’en est assez sur cette matière. (Dom Thuillier.)


Lacédémone double en grandeur de Mégalopolis.


La plupart des hommes, jugeant de la grandeur d’une ville ou d’un camp par sa circonférence, regarde comme une chose incroyable que, quoique Mégalopolis ait de tour cinquante stades, et que Lacédémone n’en ait que quarante-huit, cette dernière ville soit cependant une fois plus grande que l’autre. Si, pour augmenter la difficulté, on leur dit qu’il peut se faire qu’une ville ou un camp de quarante stades de tour, soit une fois plus grand qu’un autre de cent stades, c’est pour eux un paradoxe. La cause de cela est que l’on ne se souvient plus de ce que l’on a appris de géométrie pendant sa jeunesse. Ce qui m’a engagé à parler de ces difficultés, c’est que non-seulement le peuple grossier, mais encore des magistrats et des généraux d’armée, se demandent comment il se peut faire que Lacédémone, avec une enceinte de murailles plus petite, puisse être cependant plus étendue que Mégalopolis. On en voit aussi, quelquefois, qui mesurent par la circonférence d’un camp le nombre des troupes qu’il peut contenir. Il y en a qui sont dans une autre erreur : ils prétendent que les villes d’un terrain rompu et inégal ont plus de maisons que celles qui sont bâties sur un terrain plat et uni. Il n’en est pourtant pas ainsi, car les maisons n’y sont point bâties à raison de l’inégalité du terrain, mais à raison de la superficie plate où elles sont dressées en ligne perpendiculaire, et sur laquelle les collines elles-mêmes sont élevées. Ce que je dis est d’une évidence sensible, même pour des enfans. Imaginons-nous un nombre de maisons bâties de telle sorte, sur le penchant d’une colline, qu’elles soient toutes d’une égale hauteur, il est certain que tous les toits feront une superficie égale et parallèle à celle du terrain plat sur lequel est la colline et le fondement de ces maisons. Soit dit en passant en faveur de ceux qui, quoique neufs et ignorans sur cette matière, veulent cependant commander les armées et avoir la conduite des affaires. (Idem.)


VI.


Annibal.


Si l’on demande qui était l’auteur et comme l’âme de toutes les affaires qui se passaient alors à Rome et à Carthage, c’était Annibal. Il faisait tout en Italie par lui-même, et en Espagne par Asdrubal, son frère aîné, et par Magon, le second. Ce furent ces deux capitaines qui défirent en Ibérie les généraux romains. C’est sous ses ordres qu’agirent dans la Sicile, d’abord Hippocrate, et après lui l’Africain Mytton. C’est lui qui souleva l’Illyrie et la Grèce, et qui fit avec Philippe un traité d’alliance pour effrayer les Romains et distraire leurs forces. Tant l’esprit d’un grand homme est capable d’embrasser avec puissance tout ce qu’il entreprend, et d’exécuter avec talent une résolution prise !

Mais, puisque l’état des affaires nous a conduits à parler du caractère d’Annibal, il ne me semble pas hors de propos d’examiner les traits caractéristiques de cet homme, sur qui il y a tant d’avis différens. Les uns le regardent comme cruel au-delà de toute mesure, les autres l’accusent d’avarice. Ce qu’il y a de positif, c’est que la vérité est diffi-