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Page:Liskenne, Sauvan - Bibliothèque historique et militaire, Tome 2, 1836.djvu/771

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POLYBE, LIV. XII.


CHAPITRE V.


Il défend Éphore et Callisthènes contre Timée.


Cet auteur déclame souvent contre Éphore. Il est cependant lui-même coupable de deux fautes. Il reproche avec aigreur des défauts qu’il n’a pas su lui-même éviter, et il se sert de telles expressions, il inspire à ses lecteurs de telles idées, qu’on ne peut s’empêcher de lui croire l’esprit absolument renversé. Si Alexandre a eu raison de faire mourir Callisthènes dans les supplices, quels supplices ne mérite pas Timée ! car assurément la divinité doit être plus irritée contre lui que contre Callisthènes. Celui-ci refusa constamment de mettre au rang des dieux cet Alexandre au dessus duquel tout le monde convient que la nature humaine n’a jamais rien produit : au lieu que Timée place au dessus des plus grands dieux un Timoléon, un homme qui, pour tout voyage militaire, a été de Corinthe à Syracuse. Grand espace à parcourir en comparaison de l’univers ! Timée se sera sans doute mis en tête que si Timoléon, après s’être distingué dans un petit coin du monde, comme la Sicile, allait de pair dans son histoire avec les héros les plus fameux, lui-même, pour avoir écrit ce qui s’était passé en Italie et en Sicile, serait comparé à ces écrivains qui ont embrassé l’histoire du monde entier. Voilà Aristote, Théophraste, Callisthènes, Éphore et Démocharès assez vengés, ce me semble, des insultes que Timée leur a faites. Ce que j’ai dit de cet historien suffit aussi pour détromper ceux qui l’ont pris pour un écrivain droit et sans passion. (Vertus et Vices.) Dom Thuillier.


La légèreté de Timée ressort de ses propres écrits.


On a quelque peine à démêler le caractère de cet historien. À l’en croire, l’on connaît celui des poètes et des autres écrivains à certaines expressions qu’ils répètent souvent. Sur un mot, par exemple, qui signifie distribuer des viandes et qui se rencontre souvent dans Homère, il conjecture que ce poète aimait la table. Aristote parle souvent d’assaisonnemens, en voilà assez pour lui persuader qu’Aristote était friand, défaut qu’il attribue aussi à Denys, sur ce que ce tyran aimait que ses lits fussent propres, et qu’il recherchait avec soin des tapis de toutes sortes et les plus précieux. Sur ce principe, il faut que Timée ait été d’un esprit chagrin et difficile à contenter. Quand il s’agit de blâmer autrui, il le fait avec gravité et avec force. Produit-il ses propres pensées, ce ne sont que des rêveries, des prodiges, des contes de vieille, des superstitions dont une femme serait à peine susceptible. Au reste, que l’ignorance et le défaut de jugement aveuglent quelquefois certains écrivains, jusqu’à les transporter loin du sujet qu’ils ont à traiter et les empêcher en quelque sorte de voir ce qu’ils voient, c’est de quoi l’on a pu se convaincre par ce que nous avons dit être arrivé à Timée. (Ibid.)


Sur le taureau de Phalaris.


Jusqu’à Timée, on avait cru que Phalaris avait fait faire dans Agrigente un taureau d’airain ; qu’il y faisait entrer ceux dont il voulait se défaire ; qu’ensuite on allumait dessous un grand feu ; que l’airain échauffé brûlait et consumait ceux qui étaient enfermés dans cette fournaise, et que l’animal était construit de façon que quand la violence du supplice arrachait des cris à ces malheureux, on croyait entendre des mugissemens de taureau.