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Page:Liskenne, Sauvan - Bibliothèque historique et militaire, Tome 2, 1836.djvu/780

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POLYBE, LIV. XII.

d’éloquence dans un ouvrage. D’ailleurs peu d’hommes sont capables de s’exprimer en peu de mots et convenablement, et de savoir faire ressortir des préceptes, tandis que rien n’est plus facile que d’avancer sans discernement des choses ridicules et communes. (Ibid.)


Pour confirmer ce que j’ai dit de Timée et de son ignorance, aussi bien que de son inclination à rapporter des mensonges, je citerai quelques-uns de ses écrits les plus incontestés. Nous savons, en effet, que de tous les hommes qui ont dominé en Sicile, après Gélon les plus habiles, furent Hermocrate, Timoléon, et Pyrrhus, roi d’Épire. Il ne faut donc point leur prêter un langage puéril et digne d’un écolier. Or Timée, dans son xxie livre, nous rapporte qu’à l’époque où Eurymédon, après s’être rendu en Sicile, y excitait les villes à déclarer la guerre aux Syracusains, les citoyens de Géla, abattus par le sort contraire, avaient envoyé des députés aux Camariniens pour en obtenir une trève ; que les Camariniens les avaient accueillis avec bienveillance, et qu’ensuite les deux peuples avaient envoyé chacun à leurs alliés des ambassadeurs, les priant d’adresser à Géla des hommes sûrs, pour stipuler des conditions qui amenassent la paix et qui leur fussent réciproquement avantageuses. Lorsque les députés se furent présentés dans le sénat et que l’affaire eut été mise en délibération, Timée place dans la bouche d’Hermocrate les paroles suivantes. (Ibid.)


Il commence par louer les citoyens de Géla et les Camariniens, premièrement, d’avoir fait une trève, ensuite de lui avoir fourni l’occasion de placer un discours, et, en troisième lieu, d’avoir pris avec prudence des précautions..... qu’ils savaient bien la différence qu’il y a entre la paix et la guerre. Puis, après deux ou trois lieux communs politiques, « il nous reste, dit-il, à connaître combien la guerre diffère de la paix, » encore qu’un peu plus haut il leur eût déjà dit qu’ils savaient bien la différence qu’il y a entre la paix et la guerre..... Il remercie les citoyens de Géla de ne point prendre la parole dans l’assemblée qui est informée de tous les intérêts. De tout cela je conclus donc que Timée ne me paraît pas seulement dénué de tout talent politique, mais encore bien au-dessous des connaissances qu’on puise dans toutes les écoles ; car chacun sait que ce qu’il faut avant tout communiquer au lecteur, ce sont des choses inconnues ou mal sues. Quant aux choses que personne n’ignore, il est véritablement aussi vain que puéril de bâtir là-dessus des harangues prolixes. Timée, au contraire, tombe toujours dans ce défaut. Il y consacre la plus grande partie de son discours, et ne nous en fait pas perdre un mot. De plus, les argumens dont il se sert sont tels, que personne ne croira jamais que ce soient là ceux dont se servit Hermocrate, lui qui a porté un si puissant secours aux Lacédémoniens à la bataille d’Ægos-Potamos, et a fait prisonnières, en Sicile, les troupes athéniennes et leurs généraux. Mais un enfant même ne parlerait pas ainsi. Voici en effet comment il s’exprime :

On doit d’abord faire remarquer à l’assemblée que, pendant la guerre, c’est le bruit des trompettes qui éveille le matin, et dans la paix, le chant des coqs ; ensuite qu’Hercule, en instituant les jeux Olympiques, a montré quelle était en cela son intention ; qu’en faisant la guerre il n’avait fait de mal à