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Page:Liskenne, Sauvan - Bibliothèque historique et militaire, Tome 2, 1836.djvu/819

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POLYBE, LIV. XVI.

le devant sur les ennemis, et de passer sûrement à Samos en longeant la côte. Mais toute sa diligence ne lui servit de rien. Dès qu’Attalus et Théophilisque aperçurent qu’il s’ébranlait, ils résolurent de le suivre et de le combattre. Leur flotte ne marchait pas fort serrée, parce que, comptant que Philippe suivrait son premier projet, ils n’avaient pas pris soin de la tenir en état. Cependant à forces de rames ils l’atteignirent, et attaquèrent, Attalus, son aile droite, et Théophilisque, sa gauche. Philippe, pressé de tous côtés, donne à sa droite le signal du combat, commande de faire face aux ennemis et de combattre avec courage ; puis, avec quelques esquifs, il se retire dans de petites îles qui sont au milieu du détroit, et attend là le succès de la bataille. Sa flotte était composée de cinquante-trois vaisseaux pontés, de quelques autres découverts, et de cent cinquante bâtimens légers avec des fustes. Il était resté à Samos des vaisseaux qu’il n’avait pu équiper. Celle des ennemis était de soixante-cinq vaisseaux pontés, en comptant ceux que les Byzantins leur avaient fournis, de neuf galiotes et de trois trirèmes.

L’action commença par le vaisseau que montait Attalus, et aussitôt, sans autre signal, tous les autres qui étaient proche chargèrent. Attalus tomba sur une octirème, l’ouvrit par l’impétuosité du choc, et la coula à fond, quelque résistance que fissent les troupes qui de dessus la défendaient. La décemrème de Philippe, laquelle était l’amirale, tomba en la puissance des ennemis par un accident très-singulier : elle choqua si violemment une petite galiote qui s’en approchait, et enfonça si avant son éperon sur le banc des rames supérieures, appelées thranites, que ce petit bâtiment y demeura attaché, sans que le pilote pût arrêter le cours impétueux de son vaisseau. Sur ces entrefaites arrivent deux quinquérèmes, qui percent les deux côtés de ce grand bâtiment que le petit, qui y était comme suspendu, empêchait de se tourner et d’agir, et le coulent à fond avec tous ceux qui le montaient, au nombre desquels était Démocrate, général de l’armée.

D’un autre côté, Dionysidore et Dinocrate son frère, les deux premiers officiers de la flotte d’Attalus, couraient un grand péril, combattant, le premier sur une septirème, et l’autre sur une octirème. Dinocrate ayant le corps de sa galère considérablement ouvert au-dessus de l’eau, en avait percé un des ennemis au-dessous, et y tenait tellement qu’il ne pouvait s’en détacher, quelque effort qu’il fit pour reculer. Dans cet état, il avait d’autant plus à craindre, que les Macédoniens l’attaquaient avec plus d’acharnement. Attalus vint fort à propos à son secours ; il fondit sur la galère ennemie et la sépara de celle de Dinocrate, qui, par ce moyen, fut délivrée ; tout l’équipage du vaisseau macédonien fut égorgé, et le vaisseau même resta en la puissance des vainqueurs. À l’égard de Dionysidore, comme il se portait avec force contre un autre vaisseau pour le percer de l’éperon, il manqua son coup ; de là, tombant parmi les ennemis, il vit les bancs des rameurs du côté droit de sa galère enlevés, et les tours abattues. Les Macédoniens l’enveloppèrent de tous les côtés avec de grands cris ; le vaisseau et l’équipage furent submergés. Heureusement il se sauva lui-même en se jetant avec deux autres à la nage pour gagner une galiote qu’on amenait à son secours.

Dans le resté de la flotte on se battait à forces égales ; car si d’un côté Phi-