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Page:Liskenne, Sauvan - Bibliothèque historique et militaire, Tome 2, 1836.djvu/822

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POLYBE, LIV. XVI.

rèmes et deux trirèmes, qui furent mises hors de combat. On ne fit aucune prise sur eux, et on ne leur tua que soixante hommes, et au roi de Pergame que soixante-dix. Les morts, dans l’armée de Philippe, s’élevèrent au nombre de trois mille Macédoniens et de six mille alliés : et on fit prisonniers, tant de Macédoniens que d’alliés, deux mille hommes et sept cents Égyptiens.

Ainsi finit la bataille navale donnée à la hauteur de Chio ; Philippe s’en attribua toute la gloire, et cela sur ces deux raisons : la première, qu’ayant poussé Attalus sur le rivage, il s’était rendu maître du vaisseau de ce prince ; la seconde, qu’ayant jeté l’ancre près du promontoire d’Argenne, il s’était arrêté parmi les débris mêmes de ses ennemis. Le lendemain il soutint par sa manière d’agir ce qu’il avait prétendu la veille. Il rassembla les restes des vaisseaux brisés, et fit donner la sépulture à ce que l’on avait pu reconnaître des siens parmi les morts. Tout cela ne se faisait que pour persuader au peuple qu’il était victorieux, car on ne doit pas croire qu’il en fût persuadé lui-même. Il fut aisé de s’en apercevoir, lorsque, pendant le temps même qu’il jouait le personnage de vainqueur, les Rhodiens et Dionysidore vinrent avec leur flotte se présenter en bataille devant lui. Il ne se montra point, et souffrit, sans s’ébranler, que ses ennemis reprissent la route de Chio.

Jamais ce prince, ni sur terre ni sur mer, n’avait perdu une si grande quantité de monde en un seul jour. Il en était pénétré de douleur, et il avait bien rabattu de sa première vivacité. Cependant au dehors il faisait tout ce qu’il pouvait pour cacher sa honte et son chagrin. Mais comment aurait-il pu cacher sa défaite ? Outre ce qui s’était passé pendant l’action, l’état de son armée après cette bataille faisait horreur. Tout le trajet de mer où le combat s’était donné était teint de sang et couvert de corps morts, d’armes et de débris de vaisseaux, et les jours suivans on voyait de toutes ces choses un mélange affreux sur les rivages voisins. Ce n’était pas Philippe seul qui en était frappé, tous les Macédoniens en étaient dans une confusion extrême. Théophilisque, le lendemain de cette bataille, en écrivit le succès à sa patrie, mit en sa place, à la tête des troupes, Cléonée, et mourut ce même jour de ses blessures. Il s’était extrêmement signalé dans cette action, et il ne peut être trop loué d’avoir engagé Attalus et les Rhodiens à l’entreprendre. Sans lui, Philippe était tellement redouté, que tous les autres auraient laissé échapper cette occasion de le défaire. Ce fut lui qui commença la guerre, qui obligea sa patrie de prendre les armes contre les Macédoniens, et qui força le roi de Pergame à agir vigoureusement, sans différer et sans perdre le temps en préparatifs. Après sa mort, les Rhodiens, par reconnaissance, lui décernèrent des honneurs si grands, qu’ils étaient capables d’inspirer non-seulement à ceux qui vivaient alors, mais encore aux siècles à venir, une vive ardeur de se rendre utiles à leur patrie. (Dom Thuillier.)


Raison pour laquelle plusieurs abandonnent leurs entreprises.


Si l’on cherche pourquoi l’on quitte un dessein dans lequel on semblait être entré avec beaucoup de vivacité, il est aisé de répondre qu’il n’y a point d’autre cause de ce changement que la nature même des choses qu’on voulait entreprendre. En regardant de loin