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Page:Liskenne, Sauvan - Bibliothèque historique et militaire, Tome 2, 1836.djvu/975

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POLYBE, LIV. XXXI.

plus considérables étaient Astymède pour la république rhodienne ; Euréas, Anaxidame et Satyre pour les Achéens ; Python pour Prusias. À l’audience qui leur fut donnée dans le sénat, Python se plaignit qu’Eumène s’était emparé de plusieurs places, qu’il faisait des courses sur la Galatie, qu’il n’obéissait point aux ordres qu’il avait reçus du sénat, que toutes ses faveurs étaient pour ceux qui favorisaient son parti, et qu’il affectait d’abaisser par toutes sortes de moyens ceux qui, tenant pour les Romains, voulaient que l’état fût gouverné selon les volontés du sénat. D’autres ambassadeurs, venus de la part des villes d’Asie l’accusaient encore d’avoir fait alliance avec Antiochus. Le sénat écouta ces députés sans rejeter leurs accusations et sans faire connaître ce qu’il en pensait, dissimulant la défiance où il était sur le compte des deux rois ; ce qui n’empêchait pas qu’il n’aidât aux Gallo-Grecs à recouvrer leur liberté.

On fit entrer ensuite les ambassadeurs de Rhodes. Astymède, en cette occasion, se conduisit avec plus de prudence et de sagesse que dans l’ambassade précédente. Sans accuser les autres, il se réduisit, comme ceux qui sont châtiés, à prier que le supplice ne fût pas plus grand. Il dit que sa patrie avait été punie au-delà de ce que sa faute méritait, et fit le détail des châtimens qu’elle avait soufferts ; il dit que, dépouillée de la Lycie et de la Carie, deux provinces contre lesquelles elle avait été obligée de soutenir trois guerres qui lui avaient coûté des sommes immenses, elle avait perdu les revenus que ces deux pays lui produisaient. « Cependant, ajouta-t-il, nous souffrons ces deux pertes sans nous plaindre. Nous tenions de vous ces deux provinces ; vous étiez les maîtres de nous les ôter, dès que nous vous étions devenus suspects. Mais Caune et Stratonicée n’étaient point un présent de votre libéralité. La première, nous l’avions achetée deux cents talens des généraux de Ptolémée ; la seconde nous avait été donnée par Antiochus et Séleucus ; nous tirions de ces deux villes six vingts talens chaque année. Vous avez ordonné à nos troupes de les évacuer ; vous avez été obéis. Par là, vous nous avez traités plus rigoureusement pour une légère imprudence, que les Macédoniens vos ennemis de tous les temps. Que dirai-je de l’exemption des péages que vous avez accordée à l’île de Délos, et du tort que vous nous avez fait en nous ôtant la liberté de disposer de ce droit et de tous les autres revenus publics ? Autrefois nous tirions de ces péages un million de drachmes, et à peine en tirons-nous aujourd’hui cent cinquante mille. Votre colère, Romains, comme un feu dévorant, a séché les sources d’où notre île tirait ses plus grandes richesses. Peut-être auriez-vous raison de ne vous pas laisser fléchir, si tous les Rhodiens étaient coupables et vous étaient contraires ; mais vous savez que ceux qui nous ont détournés de prendre les armes sont en très-petit nombre, et que ce petit nombre même en a été sévèrement puni. Pourquoi donc garder une haine implacable contre des innocens, vous surtout qui, à l’égard de tous les autres peuples, passez pour être les plus modérés et les plus généreux des hommes ? Rhodes, après la perte de ses revenus et de sa liberté, deux choses pour la conservation desquelles elle a essuyé tant de travaux et de peines, vous supplie aujourd’hui, Romains, de lui