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Page:Locke - Du gouvernement civil, 1795.djvu/102

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Du Gouvernement Civil,

a mis de la valeur.[1] Or, pour ce qui regarde celles dont la nature nous pourvoit en commun pour notre subsistance, chacun y a droit, ainsi qu’il a été dit, sur une aussi grande quantité qu’il en peut consumer pour son usage et pour ses besoins, et il acquiert une propriété légitime au regard de tout ce qui est un effet et une production de son travail : tout ce à quoi il applique ses soins et son industrie, pour le tirer hors de l’état où la nature l’a mis, devient, sans difficulté, son bien propre. En ce cas, un homme qui amasse ou cueille cent boisseaux de glands, ou de pommes, a, par cette action, un droit de propriété sur ces fruits-là, aussi-tôt qu’il les a cueillis et amassés. Ce à quoi seulement il est obligé, c’est de prendre garde de s’en servir avant qu’ils se corrompent et se gâtent : car autrement ce seroit une marque certaine qu’il en auroit pris plus que sa part, et qu’il auroit dérobé celle d’un autre. Et, certes, ce seroit une grande folie, aussi bien qu’une grande malhonnêteté, de ramasser plus de fruits qu’on n’en a besoin et qu’on n’en peut manger.

  1. Quibus praetium fecit Libido, dit Tite-Live, auxquels nos passions ont mis le prix.