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Page:Locke - Du gouvernement civil, 1795.djvu/56

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Du Gouvernement Civil,

À quoi il suffira pour le présent de répondre, que les Princes et les Magistrats des gouvernemens indépendans, qui se trouvent dans l’univers, étant dans l’état de nature, il est clair que le monde n’a jamais été, ne sera jamais sans un certain nombre d’hommes

    à l’état civil, (quoique ce dernier soit sorti de l’autre sur lequel il est fondé. Ainsi, il faut que l’état de la nature ait existé quelque part avant de donner la naissance à l’état civil). Pour se former une idée juste de l’état de nature, considéré au dernier regard, il faut le concevoir, ou par fiction, ou tel qu’il existe véritablement. Le premier auroit lieu si l’on supposoit qu’au commencement du monde une multitude d’homme eût paru tout-à-coup sur la terre, sans que l’un naquît ou dépendit en aucune manière de l’autre ; comme la Fable nous représente ceux qui sortirent des dents d’un serpent, que Cadmus avoit semées… Mais l’état de la nature, qui existe réellement, a lieu entre ceux qui quoiqu’unis avec quelques autres par une société particulière, n’ont rien de commun ensemble que la qualité des créatures humaines, et ne se doivent rien les uns aux autres, que ce qu’on peut exiger précisément en tant qu’homme. C’est ainsi que vivoient autrefois respectivement les membres de différentes familles séparées et indépendantes, et c’est sur ce pied-là que se regardent encore aujourd’hui les sociétés civiles et les particulières qui ne sont pas membres d’un même corps politique ».