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Page:Locke - Essai sur l’entendement humain.djvu/29

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XXVIII
ELOGE DE M. LOCKE.

en ſeroit fort aiſe ſi cela ne donnoit pas trop d’embarras. On s’y rendit donc & on pria en particulier pour lui. Après cela il donna quelques ordres avec une grande tranquillité d’eſprit ; & l’occaſion s’étant préſentée de parler de la Bonté de Dieu, il exalta ſur-tout l’amour que Dieu a témoigné aux hommes en les juſtifiant par la foi en Jeſus-Chriſt. Il le remercia en particulier de ce qu’il l’avoit appellé à la connoiſſance de ce divin Sauveur. Il exhorta tous ceux qui ſe trouvaient auprès de lui de lire avec ſoin l’Ecriture Sainte, & de s’attacher ſincerement à la pratique de tous leurs devoirs, ajoûtant expreſſément, que par ce moyen ils ſeroient plus heureux dans ce Monde ; & qu’ils s’aſſûreroient la poſſeſſion d’une éternelle félicité dans l’autre. Il paſſa toute la nuit ſans dormir. Le lendemain, il ſe fit porter dans ſon Cabinet, car il n’avoit plus la force de ſe ſoûtenir ; & là ſur un fauteuil & dans une eſpèce d’aſſoupiſſement, quoi que maître de ſes penſées, comme il paroiſſoit par ce qu’il diſoit de tems en tems, il rendit l’Eſprit vers les trois heures après midi le 28me d’Octobre vieux ſtyle.

Je vous prie, Monſieur, ne prenez pas ce que je viens de vous dire du caractére de M. Locke pour un Portrait achevé. Ce n’eſt qu’un foible crayon de quelques-unes de ſes excellentes qualitez. J’apprens qu’on en verra bien-tôt une Peinture faite de main de Maître. C’eſt là que je vous renvoye. Bien des traits m’ont échappé, j’en ſuis ſûr ; mais j’oſe dire que ceux que je viens de vous tracer, ne ſont point embellis par de fauſſes couleurs, mais tirez fidellement ſur l’Original.

Je ne dois pas oublier une particularité du Teſtament de M. Locke dont il eſt important que la Republique des Lettres ſoit informée ; c’eſt qu’il y découvre quels ſont les Ouvrages qu’il avoit publiez ſans y mettre ſon nom. Et voici à quelle occaſion. Quelque tems avant ſa mort, le Docteur Hudſon qui eſt chargé du ſoin de la Bibliotheque Bodleienne à Oxford, l’avoit prié de lui envoyer tous les Ouvrages qu’il avoit donnez au Public, tant ceux où ſon nom paroiſſoit, que ceux où il ne paroiſſoit pas, pour qu’ils fuſſent tous placez dans cette fameuſe Bibliotheque. M. Locke ne lui envoya que les prémiers ; mais dans ſon Teſtament il déclare qu’il eſt réſolu de ſatisfaire pleinement le Docteur Hudſon ; & pour cet effet il legue à la Bibliotheque Bodleïenne, un Exemplaire du reſte de ſes Ouvrages où il n’avoit pas mis ſon nom, ſavoir une[1] Lettre Latine ſur la Tolerance, imprimée à Tergou, & traduite quelque tems après en Anglois à l’inſû de M. Locke ; deux autres Lettres ſur le même ſujet, deſtinées à repouſſer des Objections faites contre la Premiére ; le Chriſtianisme Raiſonnable[2], avec -

  1. Elle a été traduite en François & imprimée à Rotterdam en 1710. avec d’autres pieces de M. Locke, ſous le titre d’Œuvres diverſes de M. Locke. J. Fred. Bernard, Libraire d’Amſterdam, a fait en 1732. une ſeconde Edition de ces Œuvres diverſes, augmentée 1. d’un Eſſai ſur la neceſſité d’expliquer les Epîtres de S. Paul par S. Paul même. 2. de l’Examen du ſentiment du P. Mallebranche qu’on voit toutes choſes en Dieu. 3. de diverſes Lettres de M. Locke & de M. de Limborch.
  2. Reimprimé en François en 1715. à Amſterdam chez L’Honoré & Châtelain. Cette Edition eſt augmentée d’une Diſſertation du Traducteur ſur la Réunion des Chrétiens. Z. Châtelain a fait en 1731. une troiſieme Edition de cet Ouvrage. On y a joint, comme dans la ſeconde Edition, la Religion des Dames.