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Page:Locke - Essai sur l’entendement humain.djvu/490

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De l’Etenduë de la Connoiſſance humaine. Liv. IV.

heur des Eſprits du prémier Ordre, qui ont la vûë plus vive & plus pénétrante, & un champ de connoiſſance beaucoup plus vaſte que nous. Mais pour revenir à notre ſujet, notre connoiſſance ne ſe termine pas ſeulement au petit nombre d’idées que nous avons, & à ce qu’elles ont d’imparfait, elle reſte même en deçà, comme nous l’allons voir à cette heure en examinant juſqu’où elle s’étend.

§. 7.Juſqu’où s’étend notre Connoiſſance. Les affirmations ou negations que nous faiſons ſur le ſujet des idées que nous avons, peuvent ſe réduire comme j’ai déja dit en général, à ces quatre Eſpèces, Identité, Coëxiſtence, Relation & Exiſtence réelle. Voyons juſqu’où notre Connoiſſance à l’égard de chacun de ces articles en particulier.

§. 8.I. Notre connoiſſance d’identité & de diverſité va auſſi loin que nos Idées. Prémiérement, à l’égard de l’Identité & de la Diverſité conſiderées comme une ſource de la convenance ou de la disconvenance de nos Idées, notre connoiſſance de ſimple vûë eſt auſſi étenduë que nos Idées mêmes ; car l’Eſprit ne peut avoir aucune idée qu’il ne voye auſſi-tôt par une connoiſſance de ſimple vûë qu’elle eſt ce qu’elle eſt, & qu’elle eſt différente de toute autre.

§. 9.II. Celle de la convenance ou disconvenance de nos idées par rapport à leur coëxiſtence ne s’étend pas fort loin. Quant à la ſeconde eſpèce qui eſt la convenance ou la disconvenance de nos idées par rapport à la coëxiſtence, notre connoiſſance ne s’étend pas fort loin à cet égard, quoi que ce ſoit en cela que conſiſte la plus grande & la plus importante partie de nos Connoiſſances touchant les Subſtances. Car nos Idées des Eſpèces des Subſtances n’étant autre choſe, comme j’ai déja montré, que certaines collections d’Idées ſimples, unies en un ſeul ſujet, & qui par-là coëxiſtent enſemble. Par exemple, notre idée de Flamme, c’eſt un Corps chaud, lumineux, & qui ſe meut en haut ; & celle d’Or, un corps peſant juſqu’à un certain degré, jaune, malléable, & fuſible ; de ſorte que les deux noms de ces différentes Subſtances, Flamme, & Or, ſignifient ces idées complexes, ou telles autres qui ſe trouvent dans l’Eſprit des hommes. Et lorſque nous voulons connoître quelque choſe de plus touchant ces Subſtances, ou aucune autre eſpèce de Subſtances, nos recherches ne tendent qu’à ſavoir quelles autres Qualitez ou Puiſſances ſe trouvent ou ne ſe trouvent pas dans ces Subſtances, c’eſt-à-dire, quelles autres idées ſimples coëxiſtent, ou ne coëxiſtent pas avec celles qui conſtituent notre idée complexe.

§. 10.Parce que nous ignorons la connexion qui eſt entre la plûpart des idées ſimples. Quoi que ce ſoit-là une partie fort importante de la Science humaine, elle eſt pourtant fort bornée, & ſe réduit preſque à rien. La raiſon de cela eſt que les idées ſimples qui compoſent nos idées complexes des Subſtances, ſont de telle nature, qu’elles n’emportent avec elles aucune liaiſon viſible & néceſſaire, ou aucune incompatibilité avec aucune autre idée ſimple, dont nous voudrions connoître la coëxiſtence avec l’idée complexe que nous avons déja.

§. 11.Et ſur-tout celle des Secondes Qualitez. Les Idées dont nos idées complexes des Subſtances ſont compoſées, & ſur quoi roule preſque toute la connoiſſance que nous avons des Subſtances, ſont celles des Secondes Qualitez. Et comme toutes ces Secondes Qualitez dépendent, ainſi que nous l’avons ** Liv. II Ch. VIII. déja montré, des Prémiéres Qualitez des particules inſenſibles des Subſtances, ou ſi ce n’eſt de-là, de