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Page:Locke - Essai sur l’entendement humain.djvu/546

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Des Propoſitions Frivoles. Liv. IV.

Noir, qu’un Triangle n’eſt pas un Cercle, &c. ou que deux autres Idées déterminées & diſtinctes, quelles qu’elles ſoient, ne ſont pas une ſeule & même idée, aura auſſi beſoin d’une Démonſtration pour pouvoir être convaincu, Qu’il eſt impoſſible qu’une choſe ſoit & ne ſoit pas.

§. 20.Leur uſage eſt dangereux, lors que nos Idées ſont confuſes. Or comme ces Idées ſont d’un fort petit uſage lorſque nous avons des Idées déterminées, elles ſont d’ailleurs d’un uſage fort dangereux, comme je viens de le montrer, lorſque nos Idées ne ſont pas déterminées, & que nous nous ſervons de Mots qui ne ſont pas attachez à des Idées déterminées, mais qui ont une ſignification vague & inconſtante, ſignifiant tantôt une idée, & tantôt une autre ; d’où s’enſuivent des mépriſes, & des erreurs que ces Maximes citées en preuve pour établir des Propoſitions dont les termes ſignifient des idées indéterminées, ſervent à confirmer, & à graver plus fortement dans l’Eſprit par leur autorité.


CHAPITRE VIII.

Des Propoſitions Frivoles.


§. 1.Certaines Propoſitions n’ajoûtent rien à notre Connoiſſance.
JE laiſſe préſentement à d’autres à juger ſi les Maximes dont je viens de parler dans le Chapitre précédent, ſont d’un auſſi grand uſage pour la Connoiſſance réelle, qu’on le ſuppoſe généralement. Ce que je croi pouvoir aſſûrer hardiment, c’eſt qu’il y a des Propoſitions univerſelles, qui, quoi que certainement véritables, ne répandent aucune lumiére dans l’Entendement, & n’ajoûtent rien à notre Connoiſſance.

§. 2.I. Les Propoſitions Identiques. Telles ſont, prémierement, toutes les Propoſitions purement identiques. On reconnoit d’abord & à la prémiére vûë qu’elles ne renferment aucune inſtruction. Car lorſque nous affirmons le même terme de lui-même, ſoit qu’il ne ſoit qu’un ſimple ſon, ou qu’il contienne quelque idée claire & réelle, une telle Propoſition ne nous apprend rien que ce que nous devons dejà connoître certainement, ſoit que nous la formions nous-mêmes, ou que d’autres nous la propoſent. A la vérité, cette Propoſition ſi générale, Ce qui eſt, eſt, peut ſervir quelquefois à faire voir à un homme l’abſurdité où il s’eſt engagé lorſque par des circonlocutions ou des termes équivoques, il veut, dans des exemples particuliers, nier la même choſe d’elle-même ; parce que perſonne ne peut ſe déclarer ouvertement contre le bon ſens que de ſoûtenir des contradictions viſibles & directes en termes évidens, ou s’il le fait, on eſt excuſable de rompre tout entretien avec lui. Mais avec tout cela je croi pouvoir dire que ni cette Maxime ni aucune autre Propoſition identique, ne nous apprend rien du tout : & quoi que dans ces ſortes de Propoſitions, cette célèbre Maxime qu’on fait ſi fort valoir comme le fondement de la Démonſtration, puiſſe être & ſoit ſouvent employée pour les confirmer, tout ce qu’elle prouve n’emporte dans le fond autre choſe que ceci, c’eſt Que le même mot peut être affirmé de lui-même