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Page:London - La Croisière du Dazzler', trad. Postif, 1948.djvu/194

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ordinaires aventures sur le reste de ton existence ? Serais-tu prêt à partir et à les vivre une seconde fois aujourd’hui, demain, après-demain ?

« Comprends-moi, Joë. T’imagines-tu une seule minute que je voudrais risquer les plus belles années de la vie de mon fils contre le vil contenu d’un coffre-fort ? Pour le moment, je ne puis présumer des résultats bons ou mauvais de cette fugue. Un dollar ressemble comme un frère à un autre dollar, et il n’en manque point de par le monde ; mais aucun Joë ne ressemble à mon Joë et nul ne saurait le remplacer. Saisis-tu, à présent, Joë ? »

La voix de Mr Bronson se brisa légèrement et l’instant d’après Joë sanglotait, comme si son cœur allait se fendre. Jusque-là il avait mal interprété les sentiments paternels ; maintenant, il concevait tout le chagrin qu’il avait dû causer à son père, à sa mère et à sa sœur. Mais les quatre journées émouvantes qu’il avait passées sur mer lui avaient permis de mieux connaître les hommes, et comme il avait le don d’exprimer sa pensée en paroles, il exposa son point de vue et les leçons qu’il retenait de cette aventure.

Les conclusions, il les avait tirées de ses entretiens avec Frisco Kid, de ses relations avec Pete-le-Français, de l’image mentale qu’il gardait du Reindeer et de Nelson-le-Rouge, au moment où le bateau sombrait sous ses yeux dans l’abîme des vagues.

Suspendu aux lèvres de son fils, Mr Bronson comprit à son tour.

« Que va devenir Frisco Kid, père ? lui demanda Joë lorsqu’il eut achevé.