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Page:Londres - L’Âme qui vibre, 1908.djvu/135

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L’ÂME QUI VIBRE


Je me la redirai ton admirable plainte,
Lorsque penchant vers moi le corps que je devais
Plier dans le drap blanc moins de trois jours après,
Tu syllabais déjà de ta voix presque éteinte :

« Regarde, mon ami, là-bas, celle qui pleure,
« C’est une jeune fille, elle donne à chaque heure
« Un coup d’aile de plus vers le pays d’En-Haut.

« Regarde à mon côté, cette plus jeune encore,
« L’interne nous a dit que ce serait très beau
« Si la pauvre, demain, voyait poindre l’aurore. »

Et toi ! sur qui la mort s’apprêtait à descendre,
Combien de clairs matins te restait-il à voir ?
Combien te restait-il à contempler de soirs ?
Combien te restait-il de baisers à me rendre ?

Ô toi qui t’en allas au soleil de midi
Sans avoir attendu l’heure de ma visite !
Ô toi qu’indignement l’on traite de maudite
Bien que tu n’aies traité ton prochain de maudit !

Quel était donc l’amour qui brûlait dans ton âme,
Ô toi qui n’as jamais gémi contre le sort !
Pour qu’a trente ans à peine, aux portes de la mort,
On entendît ta voix pleurer sur d’autres femmes ?