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Page:Londres - L’Âme qui vibre, 1908.djvu/31

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LE DEMI-RÉVEIL


S’ils abordaient ensemble, un beau jour, sur la plage ?
S’ils vous disaient : « Nous réclamons notre héritage,
« Nous prétendons sortir enfin de notre nuit,
« Charmez nos volontés, nous charmons votre ennui.
« Nous donnons par moments des ailes à la terre.
« Que feriez-vous si nos voix venaient à se taire ?
« Que feraient tout le long de leurs dimanches lents
« Votre innocente femme et vos enfants dolents ? »
S’ils vous disaient : « Nous créons des jardins de fête
« Et des palais de rêve au fond de chaque tête,
« Nos doigts seuls font vibrer la harpe de vos cœurs.
« Cela suffit pour nous mériter vos honneurs ;
« Cela suffit pour nous donner droit de vous tondre. »
S’ils vous parlaient ainsi, qu’auriez-vous à répondre ?

Mais n’ayez crainte, ô bons vivants, vous n’aurez pas
Leur apparition pour troubler vos repas.
Les poètes n’ont plus le goût à la conquête,
Il leur suffit, pour mettre leur bonne âme en fête,
D’entendre une chanson monter vers eux soudain,
Ou bien, en taquinant le sable d’un jardin,
De voir, pudiquement, passer le long des grilles
Des servantes guidant de belles jeunes filles.