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Page:Londres - L’Âme qui vibre, 1908.djvu/32

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LA TEMPÊTE

Avant que le ciel eût son crêpe, une heure avant,
J’avais mis ma chaloupe à la merci du vent.
Je m’en étais allé sur la mer incertaine
Pensant voir assez d’eau pour y noyer ma peine.
Indifférent au sort qui me guettait dans l’air,
Je me laissais chanter la chanson de la mer.
J’ignorais le chemin parcouru par ma barque,
Sur l’eau verte, mes yeux ne suivaient pas la marque
Qu’en glissant lui laissait mon cercueil découvert.
Et j’écoutais toujours la chanson de la mer !

Comme en ce temps mon âme était une âme grise,
Elle eut, en s’éveillant, la mauvaise surprise
De voir au-dessus d’elle un ciel encor plus gris.
La mer, traîtreusement, en ses bras m’avait pris
Pendant que sa chanson me faisait rêver l’âme.
D’un bond, je me dressai pour lui jeter mon blâme…
Mais, la lutteuse, alors, d’une caresse d’eau,
Me coucha durement au creux de mon bateau.