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Page:Londres - L’Âme qui vibre, 1908.djvu/42

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L’ÂME QUI VIBRE


Et les bois, au printemps, comptent bien moins de nids
Que l’artiste, en un jour, n’engendre d’infinis.
C’est là sa pauvreté qu’il ignore. Il grimace
Quand les réalités le fixent face à face.
Il croit tenir le vent quand il ferme les poings.
Il se dit à l’abri des multiples besoins
Que l’on trouve à chaque angle et détour de la vie.
Il ne revient jamais sur la route suivie,
Et ne se courbe pas pour récolter le grain
Germé de son travail, mûri de son chagrin.
Il gravit la montagne en avant… Il espère
Non dans ce qu’il a fait, mais dans ce qu’il doit faire.
Il rejette le pain certain du souvenir
Pour tendre, en affamé, son cou vers l’avenir
Comme un fauve flairant l’imprenable pitance.
Voilà la pauvreté de sa pauvre existence :
Pauvreté du poète et de l’être irréel,
Pour qui la vie est un mal d’enfant éternel.

Pauvreté ! Courtisane innombrable du monde !
Toujours plus avenante et toujours plus profonde !
Courtisane enrichie au lit de tes amants !
Buveuse de santé, marchande de tourments !
Pauvreté contre qui le plus prudent s’abîme !
Chaque pas que tu fais vers un homme est un crime ;