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Page:Londres - Pêcheurs de perles, 1931.djvu/259

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Le Jeudi obéit.

À la première huître, une perle. Je n’avais même pas eu le temps de me mettre en état de grâce. C’était une émotion gâchée. Je m’apprêtais à ne plus rien perdre, quand le nakuda me poussa du coude : une deuxième huître, une deuxième perle. Pas si vite ! Le jeu où l’on gagne à chaque coup n’est plus du jeu. Enfin, je m’installai mieux. Le doigt de la Fortune pouvait frapper : j’ouvrirais ! À la septième huître, une perle !

Les rhecs, les sebs (les hisseurs) et jusqu’aux radifs, ces galibots de la mer, riaient de mon émerveillement Ils rirent davantage quand ils surent que j’avais débuté aux Farsans. Celui qui commanderait un collier aux Farsans devrait attendre cent ans avant de l’offrir à sa fiancée, — du moins le prétendaient-ils. C’était bien l’insolence des veinards. À la treizième huître, une perle. La belle petite chose ! Je me retins, autrement, j’aurais demandé : « Est-elle vraie ? » Elle vaudrait quatre mille francs en France. Moi, j’aurais embrassé l’huître, le Jeudi la posa, comme les autres, pantelante, sur le tas à jeter. Vingt huîtres suivirent : zéro chaque fois. Le désenchantement me couvrait déjà. Une nouvelle trouvaille l’arracha de mes épaules. Il me semblait vivre dans un fabuleux pays, où les cailloux seraient des rubis, les oiseaux