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Page:Lope de Vega - Théâtre traduction Damas-Hinard tome 2.djvu/231

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Le Vingt-quatre.

Je te pardonne tout ce que tu viens de dire ; mais ce que je ne te pardonnerais jamais, ce serait de te marier contre mon gré. Je sais tes intentions. Voilà ce qui me fâche. Je serais bien avancé d’avoir pour bru la Belle aux yeux d’or ! Il n’y a jamais beaucoup d’or dans des yeux… même les plus grands… Allons, qu’il ne soit plus question de cela. Je veux te marier avec deux mille ducats de rente.

Don Juan.

Ô vile et méprisable fortune !

Le Vingt-quatre.

Avec cela, tu pourras t’en faire cinq ou six mille. — Mais en attendant, rentrez. Cette nuit est pleine de périls, et je ne veux pas qu’on s’y expose. Rentrez. Du balcon vous verrez la fête. Allons, rentrez donc. Pourquoi me regarder ainsi ?

Chacon.

Tout de bon ?

Don Juan.

Vous me traitez comme une petite fille.

Le Vingt-quatre.

Allons, pas de réplique.

Don Juan.

Je vous suis ; allez devant, mon père.

Le Vingt-quatre.

Ta vie en dépend.

Il sort.
Don Juan.

Oui, ma vie ou ma mort. — Chacon, je pourrai par la terrasse descendre chez don Louis. Prends les armes.

Chacon.

Dieu veuille que ceci finisse bien !… Il n’arrive jamais bien aux enfants qui transgressent les ordres d’un père respectable ; et je crains que nous ne fassions comme les chats, qui, dans leurs ébats, tombent parfois du haut des toits dans la rue.



Scène IV.

Dans le palais.


Entrent L’INFANT DON HENRI et DON ARIAS.
Henri.

Le roi n’a pas donné le temps qu’on l’habillât. Il était si pressé !

Don Arias.

Vous ne le paraissez pas moins, seigneur.

Henri.

Mon amour, né d’aujourd’hui, est déjà maître de mon âme comme s’il y était établi depuis un siècle, et dans mon impatience,